Recycler nos vieilles recettes
L’industrie du déchet est propice aux trafics et chère aux mafias. Ce n’est plus un scoop. L’affaire du plastique toxique espagnol éliminé illégalement en Asie, dont nous faisons notre Focus, est pourtant révélatrice, car elle pointe les dérives qui touchent un secteur, le recyclage, que l’on voudrait vertueux car indispensable à la transition écologique.
Un vœu pieux.
Un récent accident d’un train routier près de Nyon, qui emportait vieux cartons et plastiques se faire brûler loin de chez nous, a rappelé que même au pays du recyclage consciencieux le modèle déraille. Faute de rentabilité et de normes contraignantes, l’enterrement ou l’incinération, parfois après un très long voyage, sont la destination de beaucoup de nos poubelles vertes. En l’occurrence, le contenu se rendait à plus de cent kilomètres de sa source, Genève, pour se faire incinérer. D’autres chargements genevois se rendent jusqu’en Allemagne, selon la RTS. Alors que si ces déchets étaient jetés dans un simple sac noir, ils seraient brûlés à Genève…
Une aberration à laquelle il faudra bien mettre un terme. Car loin de s’apaiser la marée d’emballages et autres rejets de la société de consommation grossit année après année. Aujourd’hui déjà, selon Greenpeace, la production et la combustion du plastique à l’échelle mondiale émettent autant de carbone que 189 centrales à charbon. Or au rythme actuel, la production de plastique doublera d’ici 2035-2040. Et cela bien que cette matière soit de plus en plus souvent remplacée par d’autres – carton, bioplastiques, papier –, au bilan écologique guère plus optimal.
Bien qu’indispensable, le recyclage ne permettra évidemment pas d’affronter ce raz-de-marée. Même en définissant mieux les filières du plastique, même en finançant et en contrôlant efficacement le secteur, le recyclage se heurtera toujours à ses intrants en énergie de transformation et de transport. Au final, s’il n’est pas nul, son gain environnemental est très insuffisant. Pis, la priorité mise sur le recyclage, notamment par l’industrie, lui sert d’oreiller de paresse et à nous de bonne conscience.
Alors que l’effort doit se transposer au plus vite en amont, sur la production et la vente. Limiter au minimum les emballages. Favoriser des systèmes de remplissage standardisés. Imposer la vaisselle et les contenants réutilisables. Réintroduire les consignes. Les solutions existent déjà, à nous de les recycler.