Édito

Une crise fabriquée

Une crise fabriquée
La Pologne se barricade, à l'image de ces forces de sécurité qui bloquent des migrants, le 1er septembre dernier, à la frontière avec la Biélorussie. KEYSTONE
Asile

Depuis des mois, des milliers de migrantes et migrants, principalement du Moyen-Orient, se retrouvent piégés de l’autre côté de la frontière biélorusse, en Pologne, mais aussi en Lituanie et en Lettonie. Ils et elles sont instrumentalisées par le président biélorusse Alexandre Loukachenko.

Pour répondre aux sanctions européennes contre son élection frauduleuse en août 2020, il a organisé des vols arrivant à Minsk, avec la promesse de pouvoir continuer vers l’Allemagne ou d’autres pays d’Europe. En réalité, la Pologne et les pays baltes se sont barricadés. Le parlement polonais a autorisé les refoulements sans permettre de déposer une demande d’asile, au mépris du droit international. Il a aussi voté la construction d’un mur de 100 kilomètres.

Une zone de non-droit le long de la frontière a été créée: journalistes et ONG n’y ont pas accès. Les personnes ayant fui la guerre ou l’oppression, dont des enfants et des personnes âgées, se retrouvent dans une immense forêt, s’orientant grâce au GPS des téléphones portables, se nourrissant parfois seulement de champignons, dans un froid toujours plus glaçant. On compterait une dizaine de décès, un nombre probablement sous-estimé.

Des milliers de membres des forces armées et de police ont été dépêchés pour refouler ces gens, que la Biélorussie repousse ensuite. Face à cette instrumentalisation éhontée de la misère humaine, la Pologne, gouvernée par le souverainiste parti Droit et justice, joue la carte de la protection contre une prétendue invasion migratoire.

Un message qui séduit une majorité de la population, malgré un certain élan de solidarité dans les zones concernées. Cette politique qui tue est d’autant plus cynique que la Pologne a quasi-interdit tout avortement… au nom du droit à la vie.

Considérer la migration et l’asile comme une chance et un devoir n’est décidément pas à l’ordre du jour dans cette Europe qui se barricade à grande vitesse. Car la criminalisation de ces phénomènes est rentable politiquement. Et peu importe que des Loukachenko, Erdogan ou feu Kadhafi avant lui se servent de ces personnes en détresse comme des pions dans leurs jeux géopolitiques.

Mais l’Europe serait en peine de donner des leçons, elle qui échange son aide économique à certains pays d’Afrique contre le blocage de leurs frontières, se lavant ainsi les mains des violations des droits humains que cette sous-traitance autorise.

Heureusement, un autre visage existe, solidaire, incarné par exemple à Genève par la Caravane sans frontière, qui a rejoint celle entre la Pologne et la Biélorussie avec un convoi humanitaire, pour prêter main forte à toutes celles et ceux qui se démènent sur place.

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