Édito

Tintin au congo ou Michel Leeb au Grand Conseil?

Tintin au congo ou Michel Leeb au Grand Conseil?
La présidente du Grand Conseil vaudois, Laurence Cretegny, a sérieusement dérapé mardi dernier. KEYSTONE
Polémique

La polémique peut prêter à soupirer; elle n’est pas anodine pour autant. Mardi, la présidente du Grand Conseil vaudois, Laurence Cretegny, dans son hommage au chancelier partant à la retraite, a sérieusement dérapé. Imitant «l’accent africain», elle a cité Tintin au Congo. L’Association des étudiant·es afro-descendant·es a réagi et demande sa démission.

On peut y voir un emballement cher aux réseaux sociaux. Mais pas que. D’abord, c’est tout de même la première citoyenne du canton qui régurgite de la sorte un passé colonial meurtrier et qui ne veut pas passer. Et ces propos d’un autre temps, qui fleurent bon le paternalisme raciste, ont été prononcés en 2021, au Grand Conseil, en séance officielle!

Enfin, on constate un certain déni. Jeudi, la position de l’intéressée a évolué: ces propos auraient été sortis de leur contexte et des excuses ne sont pas de mise… suivi d’un communiqué admettant qu’ils étaient malheureux mais pas racistes… avec, finalement, un ton plus penaud en fin de soirée. Il faut dire que même au Parti libéral-radical, la formation de Mme Cretegny, une certaine gène était perceptible. Du point de vue pédagogique, la mobilisation de l’association protestataire a porté. Tant mieux.

A celles et ceux qui y voient une tempête dans un verre d’eau, on rétorquera qu’au-delà du rappel à la décence exigible de cette politicienne, ce dérapage s’inscrit dans un contexte social tendu. Le racisme anti-Noir est une réalité. Il est souvent minimisé, mais les discriminations à l’embauche, à l’accès au logement, voire le harcèlement policier, sont régulièrement mis en avant. Ce n’est sans doute pas un hasard qu’une des jurisprudences sur la loi antiraciste du Code pénal concernait une travailleuse en EMS qui avait été refusée à l’embauche parce que noire et que, prétendument, cela faisait peur aux pensionnaires.

De même, les différentes affaires dans le canton de Vaud qui ont vu la mort de personnes racisées laissent un sentiment amer. La formation de la police est-elle vraiment à la hauteur? Fallait-il faire usage de la sorte d’armes à feu, et cet usage aurait-il été le même en présence d’une personne blanche? Difficile bien sûr de répondre par l’affirmative. Mais cela explique aussi un sentiment d’injustice ou de peur des communautés concernées. Ce sentiment mérite une réponse. Les propos prononcés mardi au Grand Conseil allaient précisément dans le sens inverse. Il y a encore bien du chemin à parcourir.

Opinions Édito Philippe Bach Polémique

Autour de l'article

Connexion