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«Présidents»: Il n’y en a pas un pour racheter l’autre

Les écrans au prisme du genre

On rit beaucoup devant le dernier film d’Anne Fontaine, qui tourne en dérision gentiment deux des récents présidents de la République française dont le point commun est de n’avoir fait qu’un mandat: l’un, Nicolas (Sarkozy), incarné par Jean Dujardin, s’est fait battre par l’autre, François (Hollande), joué par Grégory Gadebois, qui a renoncé à briguer un second mandat… Rendus tous deux à la vie civile, à un âge encore vert (en tout cas en politique), ils s’ennuient… malgré la chance qu’ils ont d’avoir des compagnes aussi dynamiques que bienveillantes. La chanteuse de variétés, dernière épouse de Sarkozy (Carla Bruni), devient dans la fiction une chanteuse lyrique (Doria Tiller) qui a autant de voix que la «vraie» en est dépourvue… et l’actrice de cinéma, devenue compagne attitrée de Hollande (Julie Gayet), est dans la fiction une vétérinaire (Pascale Arbillot), profession plus utile socialement, comme on le verra à la fin du film…

François s’est donc laissé convaincre que «le bonheur est dans le pré» alors que Nicolas n’a pas réussi à trouver la sérénité en écoutant sa soprano d’épouse. Il entreprend donc, accompagné du garde du corps qui lui sert d’homme à tout faire, d’aller débusquer François dans le village où il s’est retiré en Corrèze… pour lui proposer de reprendre le flambeau, et d’arracher la France au péril mortel qui la guette si la prochaine présidentielle en est réduite à un duel Macron/Le Pen. L’idée de Nicolas est de former un duo président/premier ministre avec François pour emporter le morceau (sans qu’il soit très clair quelle sera la fonction de chacun…).

Délices bucoliques

Le comique vient de ce qu’il ne sera jamais question de politique, mais de la confrontation de deux tempéraments opposés, arrachés à leur milieu naturel et plongés dans les délices bucoliques et culinaires d’un petit village corrézien. Le duo devient bientôt un quatuor, où chacun tombe sous le charme de la compagne de l’autre… en tout bien tout honneur. Nicolas finit par convaincre François de repartir en campagne mais les résultats de leur première conférence de presse sont tout à fait inattendus: les sondages confirment que leur performance est convaincante selon tous les critères attendus, sauf pour les intentions de vote… En revanche, la charmante vétérinaire remporte tous les suffrages, parce qu’elle n’a plus à faire la démonstration de son dévouement à la communauté. Quelques mois plus tard, Nicolas rencontre François dans une rue de Paris, qui lui apprend qu’il a mis ses compétences au service de sa compagne pour la conquête de la Présidence…

Ce pied de nez final post #MeeToo est réjouissant, bien sûr! L’assurance qu’ont les hommes de leur destin politique est tournée en dérision et réduite en cendres. Entreprise de salubrité publique, dira-t-on, même si on peut regretter qu’il ne soit jamais question de politique. Il reste la performance hilarante des deux comédiens et celle, tout aussi convaincante bien que plus éloignée de la réalité, de leurs partenaires. Anne Fontaine a réussi une comédie propre à nous faire oublier quelques heures la répétition politiquement désespérante du duel qui se profile en 2022: on en a bien besoin!

Présidents, réalisation Anne Fontaine, avec Jean Dujardin, Grégory Gadebois, Pascale Arbillot, Doria Tiller, 2021.

Geneviève Sellier est historienne du cinéma; www.genre-ecran.net

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mercredi 27 novembre 2019

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