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Chuis vacciné

L'Impoligraphe

Je suis vacciné. Pas contre tout, le principe de précaution a des limites, mais contre la Covid (et la polio, le tétanos, la rougeole et quelques maladies exotiques, au cas où je mettrais les pieds, et le reste, dans des pays de sauvages pas de chez nous). Oualà, c’est dit, chuis vacciné. Comme près de cinq millions de mes compatriotes. C’est bon d’être majoritaire de temps en temps. Donc, on m’a inoculé une puce permettant à la NSA, au Mossad, à Bill Gates, Georges Soros, Mauro Poggia, Alain Berset et au Parti communiste chinois, de me contrôler. Et en même temps, on a bousillé ma fécondité et modifié mon ADN. C’est con, j’y tenais à mon ADN (plus qu’à ma fécondité), y’avait dedans une petite part néanderthalienne qui me situait dans la grande histoire de l’humanité. Donc voilà,  j’étais déjà social-traître, maintenant que je suis vacciné, me voilà collabo. Il n’est jamais trop tard pour mal faire. Parce qu’il faut vous dire, bonnes gens, que la vaccination, le pass sanitaire, les tests, tout ça, c’est du nazisme. Pas moins.

D’où nous tombe ce délire? De quoi est-il le nom? Il est le nom d’étranges remugles stagnant dans l’air du temps, dont on n’essaie de ricaner que pour s’éviter d’inutiles colères: s’il y a des vaccins contre la Covid, on n’en a toujours pas trouvé contre la connerie. Encore pourrait-on s’y résigner s’il ne s’agissait précisément que de conneries… Mais la panse est encore féconde d’où nous sourd la sprue immonde. Elle en sourdait déjà lorsque sévissait la peste noire, elle en sourd toujours: Macron, c’est Hitler. Et Joe Biden, qui veut imposer l’obligation vaccinale aux employés fédéraux, c’est Staline. Le passe sanitaire, c’est un certificat d’aryanité. Les non vaccinés de 2021, ce sont les juifs de 1942. Le service du Médecin cantonal, c’est la Propagandastaffel. Et les restrictions d’accès à certains lieux, c’est la rafle du Vel’d’Hiv. On exagère? Hélas, non: on a vu dans les manifs antivax et antipass françaises des manifestants porter des étoiles jaunes. Comme s’ils étaient menacés d’une rafle, d’une déportation et d’une chambre à gaz. Et un candidat à une élection cantonale poste une image de l’entrée d’un camp de concentration, remplaçant le sinistre «Arbeit macht frei» par un «le pass sanitaire rend libre», d’autres postent des images de Mauro Poggia ou Alain Berset en uniformes SS. La connerie, là, le dispute à la saloperie.

Certes, tous les manifestants antivax ou antipass de ces derniers jours ne sont pas tombés si bas. Ni ne menacent de mort un restaurateur qui offre un café aux vaccinés, comme il arriva à un restaurateur bâlois, mais dans ces temps de grande confusion, les déraisons pullulent et, bruyantes, font basse continue d’une drôle de rave même pas clandestine. En quoi un pass sanitaire entrave-t-il plus notre liberté qu’un passeport ou un visa, une carte d’identité, une carte d’assurance-maladie, un abonnement TPG ou CFF, un permis de conduire? Il l’entrave en tout cas moins qu’une ceinture de sécurité… Après tout, le vaccin comme le pass  ne s’obtiennent que si on les demande, et l’acte de les demander comme celui de s’y refuser restent libres… La vaccination et le pass seraient-ils même obligatoires que pas grand chose n’empêcherait qui que ce soit de s’y soustraire, car il en est de toute obligation comme de toute interdiction: on en fait ce qu’on veut, en évaluant le prix qu’on aurait à payer à ne pas les respecter: la liberté, ça ne se réclame pas: ça se prend, et on ne perd jamais que les libertés dont on n’est pas prêt à payer le prix.

Ainsi demandera-t-on seulement aux antipass d’être cohérents, et de boycotter tous les lieux où le pass est exigé: ils n’en mourront pas, ni eux ni ces lieux. En revanche, on ne demandera pas aux antivax de renoncer par avance d’être soignés s’ils l’attrapent, la Covid: ils le seront, soignés. Comme les autres. Dans les mêmes hôpitaux, par les mêmes médecins, les mêmes infirmières, les mêmes aides soignant·e·s que les autres. Et plus la part vaccinée de la population sera élevée, plus les non-vaccinés seront protégés. Par les autres. Ainsi, ceux pour qui combattre la pandémie relève d’un choix personnel sont-ils protégés par ceux pour qui elle est une tâche collective, moins sécuritaire que solidaire.

S’insoumettraient-ils, nos antivax, si la vaccination était obligatoire et son refus sanctionné? Un lourd doute plane… Piètre «résistance» que celle dont on n’est  prêt à faire payer le prix qu’à tous les autres… Et piètres «résistants» mais à quoi résistent-ils, au juste?), d’une «résistance» sans risque..

*Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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