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Notre santé dépend de celle de l’environnement

À votre santé!

Les Engagés pour la santé ou les Médecins en faveur de l’environnement, entre autres, ont eu beau montrer, en leur qualité de soignant·es, combien les pesticides étaient nuisibles non seulement pour la biodiversité mais aussi pour la santé humaine, 60% des votant·es, il y a deux semaines, n’en ont pas tenu compte. Il faut dire que tout a été fait pour dévier le débat sur la prétendue stigmatisation paysanne: une opposition entre «bobos citadins» et «paysans nourriciers», plutôt qu’un choix réel entre deux modes de production agricole. Même la loi sur le CO2, qui aurait pu être l’amorce d’un changement du cadre légal régissant la mobilité et le mode de production d’énergie, n’a pas trouvé de majorité, au grand bonheur des négociants en produits pétroliers. L’analyse de ces échecs dépasse cette chronique, mais le problème demeure.

Il est largement admis que le système de soins ne contribue que pour 10 à 15% à une bonne santé. Encore faut-il avoir un système de santé publique fort pour garantir un accès aux soins équitable, comme la pandémie nous le rappelle actuellement. La plus grande partie, soit 40% de notre santé, dépend des conditions socio-économiques et du mode de vie, même si les prédispositions génétiques comptent tout de même pour 20 à 30%. Mais l’environnement, et donc l’écosystème, influence la santé à hauteur de 20% –  donc plus que le système de soins. C’est dire si la discussion ne peut être éludée.

A ce sujet, un article intéressant est paru récemment dans la Revue médicale suisse. Il y est affirmé qu’«il y a urgence à prendre au sérieux les impacts sanitaires des dégradations environnementales que l’on observe autour du monde.»1>«Cobénéfices santé-environnement: concepts et recommandations pour la pratique clinique», Revue médicale suisse n° 714-1, 11 novembre 220, www.revmed.ch/Les scientifiques – en particulier le GIEC – ne cessent de nous alerter sur les limites planétaires. On y lit ensuite: «Si nos modes de vie participent à la surexploitation des ressources et à la dégradation des écosystèmes naturels, il apparaît également clairement qu’un certain nombre de problèmes de santé auxquels la société fait face aujourd’hui résultent de ces mêmes modes de vie.» Il est donc possible de générer un «cobénéfice» lorsque certains changements de comportements individuels ou sociétaux sont susceptibles de profiter aussi bien directement à la santé humaine qu’à la préservation de l’environnement. Les auteurs de l’article relèvent trois domaines principaux pour lesquels cette vision est particulièrement pertinente: l’alimentation, la mobilité et le contact avec la nature.

Prenons l’exemple de l’alimentation: on sait que l’agriculture produit environ 20 à 30% des gaz à effet de serre et que la production d’aliments d’origine animale est généralement plus gourmande en ressources que les produits d’origine végétale. De plus, 30% de la production est gaspillée tout au long de la chaîne alimentaire. Dans le monde, même si quelque 800 000 personnes sont sous-alimentées, plus de 2  autres milliards d’individus – chez nous en particulier – souffrent de surpoids et d’obésité liés à des régimes trop riches en calories, en sucres raffinés, en viande et en graisses d’origine animale ou hydrogénées. Ceci s’accompagne d’un accroissement de la prévalence des maladies chroniques.

Ainsi, parce qu’une large proportion de la population mondiale est mal nourrie, que la production alimentaire contribue fortement au dépassement des limites planétaires et que ces deux tendances se renforcent globalement, les régimes alimentaires doivent évoluer tant pour préserver la santé des populations que pour assurer la durabilité du système de production. Un cadre légal doit y contribuer – en introduisant par exemple des taxes sur les boissons sucrées ou en interdisant les produits ultra-transformés qui abondent dans nos supermarchés – et une promotion de la santé tant globale qu’individuelle doit inciter fortement au changement de l’alimentation. Il y aura cobénéfice: pour la santé mais aussi pour l’environnement.

Le même raisonnement vaut pour la mobilité – qui doit être plus active – et pour le contact avec la nature – qui permet de comprendre notre interdépendance fondamentale et éviter l’exploitation de la nature par l’humain.

C’est le vrai défi. Il est essentiel et doit aboutir à un changement de comportement.

Ce n’était peut-être pas le bon moment pour poser ces questions, alors que la tendance est plutôt de se réjouir de la probable sortie de crise sanitaire qui nous a passablement «bridé·es» et que l’issue économique est encore incertaine. Mais on n’y échappera pas. Et rapidement.

Notes[+]

* Pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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