Édito

Nouveau départ

Nouveau départ 2
Sebastian Pinera arrivant au palais présidentiel au lendemain des élections pour la Convention constituante. Keystone
Chili

Le mouvement populaire l’avait arrachée dans la rue et le sang – trente-deux mort·es! –, le Souverain vient de la porter sur les fonts baptismaux: une Convention constituante (CC) est sortie des urnes ce week-end au Chili, et tout porte à croire qu’elle pourra œuvrer dans l’esprit de la révolte de 2019. Listes progressistes et citoyennes ont obtenu une nette majorité dans un scrutin marqué par l’effondrement de la droite au pouvoir, qui est loin d’obtenir la très convoitée minorité de blocage d’un tiers des sièges. A l’autre extrémité, en revanche, Apruebo Dignidad, la coalition du Parti communiste (PC) et du Frente Amplio, dépasse ce seuil avec la Liste du peuple (mouvements sociaux), rendant impossible l’inscription de mesures conservatrices dans la future Constitution.

Les 155 constituants et constituantes – la CC est quasi paritaire – ont désormais un an pour remplacer l’actuelle Charte datant de 1980, imprégnée des «valeurs» de la dictature néolibérale d’Augusto Pinochet. Un texte qui faisait la part belle au secteur privé et rendait presque impossible la mise en place de droits sociaux et environnementaux. Un an après avoir plébiscité sa réécriture, le peuple confirme donc sa volonté de tourner la page du «modèle chilien».

Ce n’est sans doute pas une coïncidence si trois des pays sud-américains – le Chili, le Pérou et la Colombie – les plus ancrés à droite tremblent actuellement sur leurs bases. L’échec du néolibéralisme est ici patent: trois décennies de croissance ont échoué à conférer la moindre sécurité sociale, à ébaucher une société pacifiée. La pandémie, qui aurait exigé un socle de droits pour être affrontée efficacement, n’a fait que renforcer la soif de changement.

La mission sera ardue. Du fait d’un timing serré, avec une présidentielle à mi-mandat, et de l’hétérogénéité qui règnera dans des travées occupées par plus de 40% de constituant·es hors partis, élu·es – pour une trentaine d’entre eux·elles – sur des listes «indépendantes» aux contours parfois flous et auxquel·les les lobbies ne manqueront pas de faire la cour.

Car c’est une autre leçon des mouvements tectoniques actuels: le discrédit de la droite traditionnelle ne profite pas forcément à la gauche institutionnelle. Au Pérou, c’est un outsider syndicaliste, Pedro Castillo, qui domine les sondages en vue de la présidentielle du 6 juin. En Colombie, les partis ne jouent qu’un rôle anecdotique dans la rébellion qui a mis Ivan Duque contre les cordes. En Bolivie, si la formation d’Evo Morales a remporté la présidentielle, elle a été dominée ce printemps aux élections locales par des listes progressistes concurrentes.

Ce renouveau, qui est aussi générationnel, à l’instar de la nouvelle maire PC de Santiago du Chili, Irací Hassler (30 ans), est sans doute indispensable pour rouvrir un cycle progressiste en Amérique latine. Pourvu qu’il ne tourne pas à la confusion, comme en Equateur, où les contradictions internes à la gauche ont remis le pouvoir en mains de l’oligarchie.

Opinions International Édito Benito Perez Chili

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