Édito

Nouvelle ère

Chili
Des partisans de Gabriel Boric, nouveau président du Chili. KEYSTONE
Chili

L’élection de Gabriel Boric, du Frente Amplio, à la tête du Chili est un symbole fort. Trente et un ans après le départ du dictateur Augusto Pinochet, son héritier politique José Antonio Kast et ses successeurs centristes et conservateur sont battus. Le président élu dimanche par les Chiliennes et les Chiliens avait 4 ans lorsque la démocratie fut réinstaurée, et il a fait de la rupture avec le néolibéralisme imposé dès 1973 par l’armée et les Chicago Boys son programme. Gabriel Boric n’est pas Salvador Allende, bien entendu, mais 2021 n’est pas non plus 1970, et son élection a bel et bien été saluée par la liesse populaire et un effondrement de la bourse. Signes encourageants s’il en est.

Dans un Chili volontiers conservateur, dont le système économique avait été élevé au rang de modèle continental et de fierté nationale, la victoire de l’ancien leader pingüino (collégien) est historique à plus d’un titre. A l’instar du Pérou et du Mexique, le Chili s’était tenu à l’écart des réformes sociales initiées chez ses cousins latino-américains durant les années 2000, y compris durant les mandats des «socialistes» Bachelet et Lagos. A l’instar du Pérou et du Mexique, le Chili a fini par se réveiller, sous l’effet de mouvements sociaux conséquents. Ajoutés aux récents retours du Honduras et de la Bolivie dans le camp progressiste, ces succès viennent redonner quelques couleurs à une Amérique latine soumise depuis quelques années aux tentations «trumpistes». En attendant de voir si les élections en Colombie et au Brésil, l’an prochain, confirment ce regain à gauche.

Pour Gabriel Boric, auteur d’une campagne intelligente et mesurée, le plus difficile commence. Minoritaire au parlement, il devra nouer des alliances au centre voire à droite sans trahir les espoirs de changement suscités par le mouvement populaire d’octobre 2019. Le tout dans un contexte déprimé par la pandémie et la profonde crise économique du voisin argentin.

Parmi ses atouts, le nouveau président dispose d’une réelle légitimité démocratique: sa victoire au second tour est extrêmement nette, qui plus est avec une participation record. Son avance de onze points, il la doit notamment à la mobilisation d’un électorat populaire absent du premier tour. Un sursaut devenu indispensable face au ralliement total de la droite classique au candidat ultraconservateur.

Surtout, le projet du Frente Amplio – renforcement des services publics, instauration de retraites solidaires, droits des femmes, fiscalité progressive, hausse du salaire minimum, écologie, réduction du temps de travail, décentralisation – concorde avec les aspirations de la rue et d’une large frange de l’Assemblée constituante. Des alliés qui peuvent être déterminants face à d’éventuelles tentatives de déstabilisation, des manœuvres judiciaires ou parlementaires.

Cruciale, également, sera la capacité des constituant·es à présenter l’an prochain une Charte suprême pouvant fédérer une majorité des Chilien·nes et ainsi effacer l’ultime vestige de l’ère Pinochet, étape finale de l’interminable transition démocratique débutée à la fin des années 1980.

Opinions Édito Benito Perez Chili

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