Agora

La sortie de crise sera écologique et sociale ou ne sera pas

La perspective d’un «retour à la normale», passant par la relance d’une économie de type capitaliste, pour sortir de la crise Covid constitue une impasse mortifère, selon Johann Dupuis.
Post-pandémie

La pandémie de Covid-19 nous a frappé·e·s de plein fouet. Mais saurons-nous tirer les conséquences qui s’imposent pour éviter la survenance d’autres crises analogues ?

Rien ne permet d’être optimiste à cet égard. En effet, le déni et le court-termisme ont caractérisé jusqu’ici les réactions à la pandémie. Cela commence par la désignation du problème, qualifié de «crise sanitaire» et se poursuit avec les solutions insuffisantes qui sont avancées pour la résoudre, vaccins ou confinements en premier lieu. Or, on ne le dira jamais assez, cette crise n’a de sanitaire que le nom: le Covid-19 provoque avant tout une crise sociale et est lui-même le symptôme d’une crise environnementale d’une toute autre ampleur.

Crise sociale tout d’abord, parce que si le Covid-19 a bel et bien causé plus de 9000 morts en Suisse, ce ne sont pas que les personnes endeuillées et leurs familles qui ont été touchées, mais aussi la plupart des personnes et des secteurs vulnérables de l’économie. Certains de ses pans comme celui de la culture sont ainsi en état de mort clinique, alors que les bénéfices de l’économie numérique et autres GAFA s’envolent. Le nombre de chômeur·se·s a augmenté de près de 40% par rapport à 2019. La précarité et le recours à l’aide d’urgence explosent, comme le nombre de personnes incapables de payer leur loyer. Les femmes sont particulièrement concernées. La souffrance des personnes endeuillées s’accompagne d’une souffrance morale particulièrement forte chez les jeunes, les personnes isolées, les malentendants ainsi que les personnes victimes de troubles psychiques. Ainsi, le Covid-19 n’a fait qu’accentuer l’étendue inacceptable des inégalités sociales déjà présentes dans l’un des pays les plus riches du monde. Ces mêmes inégalités sociales qui constituent le terreau de l’adhésion aux doctrines d’extrême droite et de la rupture de confiance avec les institutions démocratiques.

Crise environnementale ensuite, parce que l’élevage industriel ainsi que la réduction des espaces naturels sont les deux moteurs principaux des zoonoses – ces maladies qui, comme le Covid-19 et avant lui le SRAS, Ebola ou la grippe H1N1, passent de l’animal à l’homme. Les scientifiques nous avertissent que, tant que nous ne nous serons pas attelé·e·s à résoudre la crise de la biodiversité, les pandémies reviendront toujours plus fortes et plus fréquentes. Par contraste, le dispositif actuel de lutte contre la propagation des épidémies repose entièrement sur une course à la vaccination ainsi que sur le confinement de la population. Or, tant que nous n’affronterons pas le problème à la racine, en redonnant à l’être humain une place équilibrée au sein des écosystèmes, ces mesures sont vouées à n’être qu’un pansement sur une plaie ouverte.

Aujourd’hui, l’expression «sortie de crise» qui est dans la bouche de la plupart des politicien·ne·s est puissamment galvaudée. La droite entend par ceci des politiques de relance basées sur des aides économiques à destination du patronat, doublées de baisses d’imposition censées favoriser les entreprises puis la population grâce à la «magie» du ruissellement. La gauche sociale-démocrate propose quant à elle des politiques keynésiennes visant à stimuler la consommation ainsi que des investissements étatiques principalement orientés vers les énergies renouvelables. Soyons honnêtes: la première voie comme la deuxième constituent des méthodes, certes différentes, pour arriver au même but: revenir au plus vite à «la normale», en relançant une économie de type capitaliste qui constitue elle-même la source du problème, par ses impacts sur la biodiversité ainsi que par les crises structurelles qu’elle est condamnée à perpétuer.

Or, il n’y a qu’une solution pour éviter les futures pandémies et sortir du cycle infernal des crises sociales à répétition: reprendre le contrôle démocratique de l’économie en subordonnant son développement aux limites planétaires et à l’objectif de lutte contre les inégalités. La sortie de crise sera écologique et sociale ou ne sera pas.

Johann Dupuis, conseiller communal Ensemble à Gauche et candidat à la Municipalité de la Ville de Lausanne.

Opinions Agora Johann Dupuis Post-pandémie Après-crise

Connexion