Édito

La dignité avant tout

La dignité avant tout
Environ 2500 personnes auront attendus pendant 3 a 4 heures afin d'obtenir un sac d'alimentations, lors d'une distribution organisée par la Caravane de la Solidarité Genève. KEYSTONE/Martial Trezzini
Précarité

Il y a d’abord la stupéfaction. Puis vient l’indignation. Alors que la crise sanitaire s’éternise, que les aides aux plus démunis piétinent, que la liste des bénéficiaires des Colis du cœur est plus longue que jamais, voilà que s’abat sur les travailleurs et travailleuses sans statut légal une nouvelle calamité. Forts du renforcement de leurs effectifs liés à la situation du Covid-19, les garde-frontières suisses multiplient les contrôles d’identité sur le territoire genevois. Dans les bus, les trams et les trains direction la France, la pression s’intensifie.

Beaucoup de personnes sans papiers en ont fait les frais. Contrôles inopinés – aléatoire disent ceux qui ne se font jamais contrôler –, qui peuvent finir au poste pour peu que l’on ne soit pas en mesure de présenter un précieux sésame appelé permis. Ensuite c’est l’interdiction d’entrer sur le territoire, signalée au passage au Secrétariat d’Etat aux migrations. Alors ce samedi matin, quand sur les réseaux sociaux enfle la rumeur d’une présence policière aux abords de la distribution alimentaire à Thônex, ça ne paraît pas impossible. A la force d’une publication virale, les échos se muent en mot d’ordre pour ceux qui vivent dans l’ombre: «N’y allez pas, vous risquez de vous faire arrêter!» Qu’il n’y ait eu finalement que des contrôles isolés ne change rien. Le mal est fait. Samedi, des hommes et des femmes ont renoncé à percevoir leur aide alimentaire car ils avaient peur.

Une peur qui gangrène tout, on le voit dans les yeux de ces mères de familles qui témoignent dimanche matin devant la presse de l’inquiétude qui leur ronge le ventre. Peur de mettre le pied hors de chez soi. De se faire arrêter sur le chemin de leur travail ou de l’école où elles amènent leurs enfants. Ou aux portes d’une distribution alimentaire.

Genève avait le petit mérite jusque-là de faire preuve d’un certain humanisme sur la question des travailleurs et travailleuses sans statut légal. Pas de cadeau pour autant. Que celui qui s’apprête à brandir l’opération Papyrus s’arrête tout de suite. Reconnaître à quelqu’un qui a vécu, travaillé, participé à la vie sociale de Genève pendant 10 ans le droit d’exister officiellement n’est pas un cadeau, juste de la décence. A défaut de faire de même pour toutes celles qui se lèvent tôt le matin pour garder les enfants lorsque d’autres partent au bureau, ou tous ceux qui se couchent tard après des services harassants, la moindre des choses est de leur garantir qu’aucun contrôle ne les guette passé le porche de leur domicile. En espérant que le Conseil d’Etat joue son rôle d’aiguillon à Berne pour rappeler que la dignité prime sur l’état policier.

Opinions Édito Maude Jaquet Précarité

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