Édito

Du choix en politique

Du choix en politique
L'annulation de l'édition 2020 du Salon de l'auto menace la survie de la plus grande manifestation suisse. KEYSTONE
Salon de l'auto

On est à la limite de l’acharnement thérapeutique. Le Salon de l’auto, la grand-messe automobile qui se tient chaque année au bout du lac, est moribond. Economiquement, s’entend. L’annulation de ce raout cette année pour cause de Covid-19 menace la survie de la plus grande manifestation suisse.

Du coup, les autorités genevoises sont prêtes à mettre la main au porte-monnaie et à octroyer un prêt de 16,8 millions de francs. Dont 11 millions serviront à éponger le déficit lié à l’annulation de l’événement qui voit quelque 600’000 visiteurs venir s’encanailler au bout du lac. Et 5,8 millions devant permettre à la manifestation de se «réinventer». De fait, elle en a bien besoin.

Car une autre solution est à portée: tirer la prise d’un événement qui s’apparente au lavage de cerveau, vise surtout à créer des besoins artificiels et promeut une mobilité contraire au bon sens et au développement durable.

Comme souvent, l’explication du pourquoi de la décision se trouve à l’antépénultième ligne du communiqué: le Salon de l’auto, pardon le Geneva International Motor Show, génère 200 millions de francs de retombées économiques. Et cela pèse autrement plus lourd que la transition climatique et autres rêves de décroissance ou de sobriété choisie.

Alors le poids du réel a ses logiques et ses calculs pragmatiques que la raison ignore. On peut déplorer que cela vire au cynisme, lorsqu’on voit les mêmes autorités être moins réactives face à la misère quotidienne dans les rues romandes qui voit pour la sixième fois des colis distribués à une population en déshérence. Et qui, pour parler crûment, a faim. Désolant. La presse internationale ne s’y est pas trompée et a fait le lien entre le luxe ostentatoire de Genève et cette misère souterraine.

On aurait été en droit d’attendre de nos édiles la même célérité. Quand des personnes disent avoir 29 francs pour terminer le mois et devoir faire durer ces provisions offertes pour ne pas dépérir, tout est dit. Or, il était possible de débloquer une aide d’urgence. Les procédures existent: la commission des finances du parlement genevois est autorisée à libérer ce genre de lignes de crédit. Et gageons qu’elle l’aurait fait si elle avait été saisie par l’exécutif.

Au lieu de cela, on a vu des réactions tardives, des tentatives de replâtrage en allant repêcher des fonds à la Loterie romande ou en partant à la recherche des dons. Pourquoi pas un peu de volontarisme et de courage plutôt que ces actions à reculons, l’antithèse de la politique qui consiste à faire des choix en fonction du bien commun et si possible à se montrer visionnaire?

Opinions Régions Édito Genève Philippe Bach Salon de l'auto Précarité

Connexion