Édito

Une norme pénale contre le sexisme?

Vers une pénalisation du sexisme?
Le Conseil des Etats a enterré de justesse une motion de l’écologiste Regula Rytz (photo) pour la mise en œuvre d’une campagne fédérale contre le sexisme. KEYSTONE
Sexisme

Il s’en est fallu de peu. Et c’est dommage. Mercredi, le Conseil des Etats a enterré par 21 voix contre 20 une motion de l’écologiste Regula Rytz demandant la mise en œuvre d’une campagne fédérale contre le sexisme. Ce que le Conseil fédéral s’était pourtant engagé à faire.

Les optimistes verront dans ce score le signe que les choses progressent à Berne. Mais ce rejet reste tout de même désolant. Notamment au vu des arguments avancés par les opposants au principe d’une action de prévention. Oui, le sexisme est un problème; mais la lutte contre le Covid-19 est prioritaire, a ainsi plaidé un udéciste. Avec ce genre d’arguments, on ne plante plus un clou.

Et une année après la grève féministe, il fallait oser. Un tel refus équivaut à nier l’ampleur de ces discriminations et oppressions ainsi que l’urgence qu’il y a à œuvrer en faveur de rapports de genre égalitaires et respectueux. La motion de Mme Rytz rappelle quelques chiffres tirés d’un rapport d’Amnesty International: en Suisse, 59% des femmes ont déjà été harcelées sexuellement et une femme sur cinq a subi contre sa volonté des actes sexuels relevant du pénal. Sans oublier les cas les plus extrêmes. Dans notre pays, une femme meurt chaque mois des violences de son conjoint. C’est énorme.

Le sujet va rapidement revenir sur le tapis. Mathias Reynard, conseiller national PS, a déposé mardi une interpellation demandant au Conseil fédéral d’étudier la possibilité d’étendre au dénigrement des femmes l’article 261 bis du Code pénal qui punit les appels à la haine racistes ou, depuis peu, homophobes.

Cette proposition a un avantage: elle demande des avancées concrètes sur le plan légal. Car toute une série de domaines où se manifeste le mépris des femmes ne sont pas couverts par le Code pénal – le cyberharcèlement, notamment, véritable fléau contre lequel il est très difficile de se défendre, ou le stalking (la traque furtive). Et leurs effets peuvent être dévastateurs.

Quant à celles et ceux qui s’inquiètent d’une judiciarisation des rapports sociaux, on rappellera que tel n’a pas été le cas pour la norme pénale antiraciste. Jusqu’à preuve du contraire, elle a permis de poursuivre des criminels négationnistes et des racistes patentés. Il n’y a pas de raisons pour que cela se passe différemment avec le sexisme. Il y a des comportements inadmissibles en la matière, donnons-nous les moyens de les poursuivre et nous vivrons toutes et tous mieux.

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