Édito

Droit au regroupement familial inversé

Droit au regroupement familial inversé
KEYSTONE
Asile

Les autorités suisses n’observent pas systématiquement l’intérêt supérieur de l’enfant dans les procédures du droit d’asile: derrière la froideur de cette formulation juridique, l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers (ODAE) détaille, dans un rapport diffusé mardi, les réalités révoltantes de notre politique d’asile.

La Suisse ne respecte pas le droit supérieur, relèvent les auteurs de cette étude, la Convention européenne des droits de l’homme et les jurisprudences de Strasbourg. Ce qui est doublement préoccupant: tout d’abord, l’enfance et l’adolescence sont des moments clés dans le développement des personnes. A ce titre, une protection spéciale devrait être accordée à ces jeunes en construction. Et, deuxièmement, plus de la moitié des personnes déplacées dans le monde sont âgées de moins de 18 ans. Cet angle mort n’est pas anodin.

Les manquements de la Suisse pointés dans le rapport font froid dans le dos. Ainsi du droit fondamental de ne pas être privé de ses parents. Les auteurs de l’étude dénoncent, cas à l’appui, une politique inhumaine. Il est refusé au jeune Cayo*, en errance au Soudan, de pouvoir rejoindre sa mère en Suisse. Sa situation au quotidien est certes «accablante» mais ne revêt pas «d’urgence particulière visible», et il ne se trouverait pas «dans une situation concrète de danger». Bref, pour avoir survécu sans ses parents durant cinq ans, il n’aurait pas vocation à venir en Suisse.

De même, des cas de couple séparés par ces politiques inhumaines sont dénoncés. Sans oublier celui où les autorités fédérales estiment que le renvoi d’un père vers l’Ethiopie est possible, ce qui le séparerait certes de son fils qui, lui, peut rester en Suisse avec sa mère, le contact pouvant très bien être maintenu par Skype!

Les réponses du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) apportées à l’étude de l’ODAE sont dans la ligne de cette vision étroite et inhumaine. Le SEM s’inscrit en faux contre une modification du droit suisse qui poserait clairement le droit à un regroupement familial inversé, c’est-à-dire le droit pour les mineurs non accompagnés de faire venir leurs familles.

Pensez! Ces migrants seraient alors tentés d’envoyer leurs enfants en exploration pour duper le système. Cela en dit long sur la vision du monde des responsables dont on serait en droit d’attendre une mise en œuvre humaine de la politique d’asile.

Et puisque l’obstacle au regroupement familial inversé semble être l’absence de base juridique claire, changeons ce droit pour nous adapter aux normes de la CEDH! Et si possible en attendant moins longtemps qu’il n’a fallu pour abolir le statut de saisonnier –lequel empêchait, lui aussi, le regroupement familial pour les travailleurs immigrés – et qui a bloqué pendant des lustres l’adhésion de la Suisse à la Convention des droits de l’enfant.

* Nom d’emprunt.

Opinions Édito Philippe Bach Asile

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