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Une privation des droits politiques

Thierry Tanquerel défend le suffrage universel aussi pour les personnes handicapées.
Votation cantonale

Aujourd’hui, lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de protection de droit civil, comme une curatelle de portée générale, le tribunal qui ordonne cette mesure peut lui retirer ses droits politiques s’il estime que cette personne est durablement incapable de discernement. Cette incapacité peut résulter d’un handicap mental ou psychique, qui a toujours été présent ou qui est apparu avec le grand âge. Elle se juge en fonction du besoin d’une curatelle pour la gestion des affaires privées.

Or, il est tout à fait concevable qu’une personne soit incapable de gérer seule ses biens et revenus, mais qu’elle soit en mesure de voter. Priver de leurs droits politiques des personnes handicapées ou âgées pour des motifs relevant de la gestion des affaires privées est ainsi inutile et discriminatoire. Si une personne n’est pas capable de réaliser ce qu’est un vote ou une élection, en raison d’un handicap mental ou psychique, elle n’utilisera tout simplement pas son droit de vote. Il est inutile de l’en priver. Si cette personne est en mesure, malgré son handicap, d’exercer ses droits politiques, il est discriminatoire de l’en empêcher.

La réglementation actuelle est ainsi contraire à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), qui prévoit l’égalité des droits politiques pour ces dernières. Il est parfois allégué que la privation des droits politiques viserait à protéger les personnes handicapées contre la captation de leur vote. C’est triplement faux. D’abord, il est insultant de penser que les proches et les professionnels qui s’occupent des personnes handicapées sont des fraudeurs en puissance.

Ensuite, le risque théorique de captation de vote existe chaque fois qu’il y a dépendance. Or, il n’a, à juste titre, jamais été question de supprimer les droits politiques de toutes les personnes malvoyantes, hospitalisées ou résidant en EMS. Enfin, s’il y a vraiment risque de fraude, il faut évidemment punir les fraudeurs et non leurs victimes. Les personnes handicapées, même sous curatelle, ne sont pas des citoyennes et citoyens de seconde zone. Le 29 novembre, il faut leur témoigner notre respect en votant oui à la mise en œuvre de la CDPH dans le canton de Genève.

Thierry Tanquerel, Professeur honoraire de droit public, ancien constituant (GE)

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