Gdeim Isik, dix ans d’injustice
Dimanche 8 novembre marquera le dixième anniversaire du démantèlement brutal par le Maroc du campement de protestation de Gdeim Isik. A quelques kilomètres de la capitale du Sahara Occidental, Laâyoune, plus de 20’000 personnes y dénonçaient pacifiquement la discrimination vécue par le peuple sahraoui, colonisé par le Royaume marocain depuis 1975. Les bilans de l’attaque policière divergent, de treize morts dont onze agents marocains à une trentaine de Sahraouis tués et des centaines de blessés et d’incarcérés. Faute d’Etat de droit, on ne connaitra sans doute jamais le déroulé exact des évènements.
Une chose est certaine: dix-neuf militants du droit à l’autodétermination du Sahara Occidental ou défenseurs des droits humains, accusés des présumés meurtres de policiers, croupissent en prison depuis dix ans, sans avoir eu droit à un procès équitable. Sous la pression du Comité de l’ONU contre la torture, la cour suprême du Maroc avait cassé, en 2016, une première série de condamnations prononcées par des juges militaires. Mais la décision a débouché sur une nouvelle parodie de justice, civile cette fois-ci, toujours sur la base d’aveux extorqués sous la torture et invalidés par les experts onusiens.
A moins d’un coup de théâtre, Nâama Asfari, le plus connu des détenus de Gdeim Izik, passera trente ans en prison, pour un crime qu’il n’a pu commettre, ayant été incarcéré la veille du 8 novembre. Avec ses camarades d’infortune, il sera fixé sur son sort le 25 novembre prochain, date à laquelle sera connue la nouvelle sentence de la Cour de cassation.
L’espoir est ténu, encore plus qu’en 2016. Le souvenir de Gdeim Isik s’est estompé, tout comme les espoirs de progrès et de démocratie soulevés par le Printemps arabe dont le campement de Laâyoune a préfiguré l’avènement trois mois plus tard dans la Casbah de Tunis ou sur la place Tahrir. Plus que jamais, le Conseil de sécurité – pourtant garant du droit à l’autodétermination de la dernière colonie d’Afrique – semble jouer le jeu marocain de la temporisation et donc de l’assimilation. Tandis que Mohammed VI renforce sa position diplomatique au fur et à mesure que les valeurs anticoloniales disparaissent en Afrique et que la stabilité et les ressources sous contrôle marocain séduisent les grandes capitales, de Washington à Paris, de Riyad au Caire.
Symboles d’un peuple spolié, discriminé, réprimé, les dix-neuf de Gdeim Izik ne retrouveront la liberté que si la société civile internationale se mobilise. Il reste trois semaines pour redonner force au droit et à la justice, dix ans après un printemps bien fané.
Pour agir: fidh.org, acatfrance.fr, omct.org ou association-des-amis-de-la-rasd.org