Chroniques

Pour un réel accès aux droits

Jeunes migrant.e.s non accompagné.e.s

Chaque semaine depuis le 12 août, nous avons publié une chronique traitant de la situation juridique des jeunes personnes migrantes non accompagnées. Ces chroniques soulignent l’importance d’assurer un accès effectif aux droits, compris à la fois comme une connaissance des droits et leur mise en œuvre effective.

Si, en théorie, la loi est censée être claire et intelligible, au point que les pénalistes nous rappellent que «nul n’est censé ignorer la loi», le droit est en réalité un édifice complexe, où des lois, règlements et ordonnances s’enchevêtrent. A cela s’ajoute l’interprétation que les autorités et tribunaux font du droit. Ainsi, connaître ses droits n’est pas une tâche facile. Or pour s’en prévaloir, cela est indispensable. Car la méconnaissance des droits entraîne à la fois un manque de revendication juridique, en invisibilise les violations et constitue un obstacle à leur pleine jouissance1>Aline Rivera Maldonado, De la connaissance à l’action: la pédagogie des droits humains comme instrument de lutte contre la pauvreté des femmes en Amérique latine.. Partant de ce constat, la Law Clinic a pour objectif de rendre le droit compréhensible et accessible à travers un travail de vulgarisation des recherches juridiques.

Cependant, même en ayant connaissance de ses droits, une personne peut rencontrer divers obstacles empêchant leur mise en œuvre effective. Les recherches que la Law Clinic a menées pendant deux ans ont montré que, dans les domaines les plus divers de la vie, les jeunes personnes migrantes risquent de ne pas pouvoir bénéficier d’un accès effectif à leurs droits humains en raison d’obstacles administratifs, procéduraux ou juridiques. Un des obstacles à cette effectivité est l’interprétation restrictive opérée par le Tribunal fédéral. Celui-ci estime par exemple que le minimum vital indispensable à la survie suffit à mener une existence conforme à la dignité humaine2>Par exemple ATF 139 I 272, ATF 130 I 71. ou encore que le droit à la santé, pourtant garanti par le Pacte ONU I, ne peut être directement invoqué devant les tribunaux3>Par exemple ATF 139 I 257, ATF 136 I 290.. D’autres obstacles proviennent du cadre légal: l’absence d’une loi-cadre rend parfois illusoire l’interdiction des discriminations consacrée par la Constitution, à l’exemple du profilage racial. Que ce soit au cours de la procédure d’asile, dans l’accès à l’éducation, dans le droit à un logement ou encore face à la police, les recherches soulignent plusieurs manquements en matière de protection des droits humains.

Ceux-ci sont pourtant fondés sur le postulat que chaque personne possède une dignité inhérente et est titulaire, du fait de sa seule existence, de droits humains qui sont nécessaires pour garantir et protéger cette dignité. De plus, les droits sont inaliénables: ils ne doivent pas se «mériter» et ne peuvent pas être perdus. Ils doivent être garantis de manière égale et sans discrimination à tout être humain, un principe consacré dans tous les traités de droits humains ratifiés par la Suisse4>Par exemple 14 CEDH, Art. 2 Pacte ONU I et Art. 2 Pacte ONU II, Art. 2 CDE..

Pour faire état de la situation actuelle et œuvrer afin d’améliorer l’accessibilité du droit, une brochure sur les droits des jeunes personnes migrantes va paraître à mi-novembre. Celle-ci permet de rendre le droit compréhensible et de le porter à la connaissance des personnes concernées. Cependant, malgré la nécessité d’un tel travail, celui-ci n’est pas suffisant pour un véritable accès aux droits: encore faudrait-il que ceux-ci soient effectivement garantis par les systèmes politique et juridique. Or, les jeunes personnes non accompagnées sont fortement précarisées en raison de leur statut: une situation qui contrevient aux garanties prévues par la Convention sur les droits de l’enfant et aux autres droits humains applicables en Suisse.
MARGOT VOISIN, VISTA ESKANDARI ET NESA ZIMMERMANN, alumna et co-responsables de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables.

 

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