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Si vis pacem…

A rebrousse-poil

Jouons un peu! Dans le questionnaire ci-dessous, entre la réponse a) et b), choisis celle qui te paraît la plus sensée:

• Si tu veux t’élever: a) gravis la colline, b) creuse un trou et descends-y;

• Si tu veux nourrir ta famille: a) cultive ton champ, b) sèmes-y des pierres;

• Si tu veux conserver la santé: a) suis de bonnes règles d’hygiène, b) mange, bois de façon excessive, et ne pratique surtout aucun sport;

• Si tu aspires à la paix: a) prépare-la en cultivant l’attention aux autres, b) fabrique des armes.

J’ai le plus grand respect pour toi, amie lectrice, ami lecteur. Je suis donc persuadé que, dans les quatre cas ci-dessus, tu as résolument et sans hésitation opté pour la réponse a. Bravo, tu as gagné!

Gagné… je ne sais pas quoi exactement, mais par exemple le droit de te considérer comme une personne douée de bon sens.

Je sais, hélas, que cette qualité – un bon sens élémentaire – n’est pas partagée par la totalité de l’humanité, je sais que depuis des siècles une grande partie des Sapiens a choisi, et choisirait encore, la réponse b à la quatrième question. Et parmi ces hurluberlus1>Personne qui parle et agit de manière inconsidérée, écervelé (Petit Robert illustré)., des gens influents, qui parlent fort, qui jouissent d’un certain pouvoir, qui sont respectés, et donc entraînent les foules naïves à leur suite.

Si vis pacem, para bellum! assènent-ils en latin, l’usage de cette langue devant certainement, à leurs yeux, indiquer que cet adage est le fruit d’une vieille sagesse, et qui a été maintes fois vérifiée par les faits: «Si tu veux la paix, prépare la guerre!».

Cette phrase, qui figure sur le blason de quantité d’institutions militaires, est régulièrement brandie par ceux qui tirent avantage du retour périodique des conflits, qu’ils soient marchands de canons ou bellicistes en tous genres.

Soyons sérieux! Depuis la première fois qu’elle a été énoncée – sous l’Empire romain –, depuis le temps qu’inlassablement on prépare la guerre, si cette locution contenait un atome de vérité il y a belle lurette et plus que l’humanité vivrait dans une douce paix! Si s’armer, fabriquer des épées puis des bombes, si entraîner des troupes à marcher au pas et à courir à la boucherie avait pour conséquence d’éviter les affrontements meurtriers entre humains, ça se saurait! Et l’on n’aurait jamais, au grand jamais, entendu parler de guerre des Gaules, d’invasions barbares, de guerre de Trente ou de Cent Ans, de Première ou de Deuxième guerre mondiale. J’en passe, et des pires.

Depuis deux mille ans qu’on l’utilise, pour le plus grand profit de quelques-uns et le malheur de la plupart, on a pu constater que cette affirmation est d’une bêtise insondable. Pourquoi alors certains persévèrent-ils dans l’erreur?

C’est que, même parmi les va-t-en-guerre les plus forcenés, même pour celui qui salive en entassant dans ses entrepôts hallebardes, casse-têtes, escopettes et bombes à fragmentation, il est malvenu d’admettre qu’on est en train de rassembler les conditions qui permettront d’étriper son voisin, d’occuper ses terres, et de violer sa femme. Rares sont ceux qui ont eu cette funeste franchise au cours de l’histoire, ce qui n’enlève rien à l’horreur qu’ils m’inspirent. Donc, généralement, dans l’espoir de présenter un visage tout de même humain, on appelle à la rescousse cette antique sentence, on minaude: «Oui, je finance la fabrication de mines anti-personnel et la recherche sur les gaz de combat, mais c’est dans le but louable d’établir le règne d’une aimable paix sur la planète entière!».

M’enfin! Combien de fois faudra-t-il le répéter, l’écrire en gros caractères, pour que trépasse définitivement cette hypocrisie? Ça ne marche pas!

N’importe quelle bestiole, voyant qu’une action atteint un but contraire à celui qu’elle visait, s’en détournera, et cherchera un autre chemin. L’initiative du GSsA2>Groupe pour une Suisse sans armée, initiative contre le commerce de guerre, https://commercedeguerre.ch/ qui sera soumise au peuple en novembre prochain nous donne l’occasion de tenter d’atteindre le niveau de nos frères animaux, de renouer avec un début d’intelligence. Pour préparer la paix, à laquelle chacun aspire, cessons de financer le commerce des armes, cessons de préparer la guerre!

La Suisse se retrouverait être le premier pays au monde à prendre une telle décision, comme le suggère l’épouvantail qu’agite à ce propos le Conseil fédéral? Et alors? Ce serait tout à son honneur!

Notes[+]

www.michelbuhler.com
Dernier livre: L’autre Chemin, chroniques 2008 – 2018, chez Bernard Campiche Editeur, 2019.

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