Édito

Pinchat, corps et désaccord

Pinchat, corps et désaccord
Mobilisation devant Pinchat mercredi matin. ERIC ROSET
Pédagogie

Les oreilles du Département de l’instruction publique genevoise (DIP) ont dû siffler ce mercredi. Quelques centaines de personnes ont organisé une haie d’honneur, bruyante et joyeuse, au Cycle d’orientation de Pinchat. Un soutien aux élèves victimes de l’infamant «t-shirt de la honte», imposé à des jeunes – essentiellement des filles, quoi qu’en dise l’autorité – dont les tenues ne seraient pas adéquates. Une pratique révélée par Le Courrier jeudi dernier.

Bienvenue au XXIe siècle, serait-on tenté de dire, tant cette stigmatisation semble venir d’un autre âge. Pédagogiquement inepte, véhiculant des poncifs patriarcaux et sexistes, ce mode d’action humiliant laisse sans voix. Sexualiser ainsi des jeunes filles parfois prépubères a des relents malsains: l’indécence se niche plutôt dans le regard de celui qui rédige ou applique aveuglément ce type de règlement, ou qui se permet une remarque déplacée.

Il faut bien quelques règles, nous rétorquera-t-on. Cela se discute. Car l’Etat n’a pas nécessairement la mission de nous dire comment nous habiller. Il doit donner des signaux clairs pour préparer les jeunes au monde du travail, nous répond-on. Comme si ce monde n’était pas lui-même source d’injonctions sexistes! Rappelons-nous cette chaîne de boulangeries qui imposait des t-shirts outrageants à ses employées.

La sensibilisation pourrait trouver des biais plus constructifs que la mise au pilori et autres règlements comminatoires et/ou sexistes. Par exemple par une discussion ouverte avec la personne vêtue de manière jugée trop légère ou au comportement inadéquat. Un accoutrement peut être excessif – c’est parfois son but, rappelons-nous les crêtes punks. Le rôle de l’adulte n’est-il pas de rappeler gentiment aux ados la portée du choix vestimentaire au moment de chercher un emploi? Exiger un langage correct aux élèves, «wesh» et «putain» n’étant pas forcément passés dans le langage courant, est légitime.

Respecter le corps enseignant est une évidence. Pas sûr que cela se décrète par voie réglementaire. Le respect se mérite. Dans l’affaire de Pinchat, ce principe a été oublié au profit d’une vision rétrograde et passéiste de la discipline. Ce n’est pas un hasard: on voit rappliquer ces derniers jours tous les beaux esprits nostalgiques du châtiment disciplinaire, du filer droit et de l’uniforme à l’école. Les débats qui s’annoncent – le parlement cantonal va être saisi – vont être délectables.

Opinions Édito Philippe Bach Pédagogie

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