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Le congé paternité, un plus essentiel pour les enfants

À votre santé!

Ce congé paternité d’à peine 15 jours, sur lequel nous allons voter à la fin du mois, peut sembler une évidence. Pourtant il y a encore une résistance assez forte, preuve en est l’opposition affichée des jeunes PLR et finalement de la majorité de ce parti dans un vote virtuel!

J’aurais évidemment préféré la version de l’initiative qui proposait 4 semaines de congé, projet que j’aurais personnellement volontiers imaginé en deux temps, juste après la naissance et au moment de la reprise du travail de la mère, deux moments charnières dans l’accueil précoce d’un enfant. Pourquoi?

J’ai vu trop souvent, lors du contrôle pédiatrique «rituel» du premier mois du nourrisson, des jeunes mamans totalement épuisées: elles me racontaient leurs journées qui n’en finissaient pas et le décalage avec leur mari ou compagnon qui, par la force des choses, avait continué sa vie «d’avant», tolérait mal les pleurs – souvent plus fréquents le soir! – et peinait à en comprendre la signification, abandonnant souvent rapidement la partie et laissant toute la charge mentale représentée par ce petit être à sa mère.

C’est dire combien, autour de la naissance, la présence du père est importante pour donner à ce dernier le temps de réaliser le chamboulement de vie familiale en cours, d’en dessiner en couple les nouveaux contours et de tisser des liens précoces, si nécessaires dans la durée, avec le nouveau-né. Il s’agit de découvrir à deux les besoins – souvent difficiles à déchiffrer au début – de ce nouvel être si dépendant, de se familiariser avec le travail de nursing ensemble, en tant que parents, et de se rendre compte que et l’un et l’autre doivent tout apprendre. Le moment magique de la découverte qui dure quelques semaines se vit mieux en couple que seul-e. Comme tout est nouveau, cela peut générer beaucoup d’angoisses – de faire faux, de se sentir dépassé-e, surtout si l’on ne réussit pas à calmer des pleurs (est-il/elle malade? a-t-il/elle faim, froid, chaud, etc.?).

Le fait de partager ces moments aide à mieux accompagner le développement et la croissance de l’enfant et à percevoir les compétences souvent complémentaires de chacun-e – y compris du bébé! C’est d’autant plus vrai aujourd’hui qu’une jeune parturiente quitte l’hôpital précocement, souvent 48 heures après l’accouchement, sans qu’il soit tenu compte de l’environnement social et familial – et alors que l’allaitement n’est pas encore installé – afin de réduire les coûts hospitaliers!

Rappelons qu’il y a moins de vingt ans, les jeunes mères restaient souvent cinq à sept jours à l’hôpital après un accouchement physiologique. C’est dire, aussi de ce point de vue, l’importance de la présence du père pour assurer «l’intendance» et pour permettre aux jeunes mères de reprendre le dessus physiquement et psychologiquement. Sans compter que, de nos jours, nous vivons dans des structures familiales nucléaires et que l’aide de la famille élargie n’est plus la règle – et n’est parfois même pas souhaitée.

Quelques semaines après la naissance, un certain rythme s’installe: on s’apprivoise de mieux en mieux en famille, la communication entre le bébé et ses parents s’améliore – on décode mieux les différents pleurs et les premiers sourires apparaissent. Mais la reprise du travail de la mère est un nouveau moment de stress: la maman de jour ou l’éducatrice de la garderie (des professions encore bien genrées!) saura-t-elle «comprendre» mon enfant et répondre à ses besoins? Combien de mères n’ont-elles pas raconté que les premiers jours de séparation, elles n’ont cessé de penser à leur enfant. Si le père peut alors prendre congé, la transition est tellement plus simple pour tous – surtout s’il a pu être présent autour de la naissance. Cela renforce les liens entre l’enfant et son père, qui doit vraiment «gérer seul» les journées et, souvent, rassure la mère qui part plus confiante au travail.

Cela dit, les études sociologiques nous apprennent que pour améliorer l’équité dans le domaine du travail familial sur le long cours, il faut que le père puisse prendre au moins deux mois de ce qui serait un congé parental. On en est loin, même si l’on sait que les pays nordiques l’ont compris depuis longtemps.

Et du point de vue de l’enfant, un congé parental de deux ans serait à privilégier: ce n’est qu’après cet âge qu’il a envie de jouer avec des pairs et commence sa «vie sociale».

En attendant, même si la proposition actuelle n’est pas idéale, allez voter et faites voter votre entourage le 27 septembre: c’est un signe fort vers l’égalité et pour affirmer la responsabilité des pères dans la garde et les soins aux enfants.

Notre chroniqueur est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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