On nous écrit

Tout n’est pas binaire

Fabienne Payré répond à notre article du 2 avril intitulé «Le harcèlement sexuel divise le SSP».
Réaction

A ce jour plus de 300 personnes, issues de milieux aussi variés qu’impliqués dans la vie de notre cité, ont signé une déclaration «Pour un engagement féministe respectueux du droit et de la présomption d’innocence», et les signatures continuent d’affluer. C’est dire si cette déclaration répond à une préoccupation majeure face aux dérives dont la presse a pu se faire l’écho, voire pire, au sujet de quelques affaires.

En effet, cette déclaration rappelle le droit de toute personne à bénéficier de la présomption d’innocence, sans être jetée en pâture à la vindicte populaire via les médias.

Me-too a bien sûr permis une avancée considérable dans la lutte féministe, les femmes ayant pu enfin faire en-tendre ce qu’elles ont déjà défendu dans Le Torchon brûle, revue des années 70’: leur corps leur appartient. A partir de cette affirmation, tout est dit, et le rap-peler haut et fort lorsque la justice ne répond pas à la reconnaissance de ce droit, c’est légitime et nécessaire.

Ce qui ne l’est pas, c’est d’user de cette voix médiatique sans mesure, sans poser les faits dans leur proportionnalité et dans le respect des personnes. La presse peut relayer ce que la justice peut taire mais en aucun cas devenir un tribunal populaire.

Là est toute la difficulté et la responsabilité d’un journal comme Le Courrier, ne pas entrer dans un discours binaire, pour ou contre la défense de l’un ou de l’autre, mais investiguer et comprendre des évolutions de notre société dans un temps parfois très court.

Le Courrier nous avait habitués à une certaine éthique dans ses analyses, il ne jouait pas dans la cour de la presse à sensation. Or le traitement de la parole dans l’interview préparant l’article «Le harcèlement sexuel divise le SSP», dont le titre déjà ne répond en rien à la problématique de fond, visait hélas à visiblement décrédibiliser la parole des personnes interviewées (dont la mienne) et, finalement, à mépriser le point de vue des 300 personnes qui ont signé cette déclaration. La parole des femmes n’aurait-elle de poids que lorsqu’elle arrange certains plus que d’autres? Le sujet était délicat et méritait d’être traité avec rigueur, pour respecter toutes les parties, plaignantes et accusées. Ce ne fut pas le cas.

Il faut dire que l’auteur de cet article avait déjà, dans un papier précédent, comparé à DSK ce syndicaliste genevois, toujours présumé innocent à ce jour, faut-il le rappeler. Doit-on comprendre qu’il s’agit là de la nouvelle ligne du Courrier? Hurler sans plus même respecter la présomption d’innocence? Soit au final imiter cette presse à sensation, dont l’unique priorité est la chasse aux ragots. Nous attendions autre chose de ce journal. Au vrai, l’indispensable besoin de nuance, d’ana-lyse et de recul qu’on recherche dans la presse, a fortiori dans Le Courrier, était ce jour-là aussi resté en confinement.

Fabienne Payré,

Genève

Précisions du Courrier

Le Courrier maintient pour sa part que cet article répond aux règles déontologiques régissant la profession. Il est équilibré et donne la parole à toutes les parties. De surcroît, le reproche émis par Mme Payré concernant un précédent article n’est pas fondé: ce n’est pas Le Courrier qui a comparé le syndicaliste accusé de harcèlement à DSK, il s’est borné à évoquer le fait que c’est un surnom qui lui était attribué dans le monde syndical par certaines personnes au fait de ces reproches. PBH

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