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Six spectacles «ignorés»

Martine Ruchat regrette que les trente-cinq ans du Studio d’action théâtrale au Galpon, à Genève, n’aient pas donné lieu à une couverture rédactionnelle dans Le Courrier.
Réaction

Depuis le 14 septembre dernier, le Studio d’action théâtrale (SAT) sis au Galpon, maison pour le travail des arts de la scène, au pied du Bois de la Bâtie, a offert au public six spectacles, regroupés sous le titre des Olympiades théâtrales, d’une qualité rare malgré la pandémie, l’ambiance morose, la montée des obligations et des contrôles sanitaires. Ces spectacles que réalisent Gabriel Alvarez et les artistes qui travaillent avec lui avec sérieux, intelligence et finesse esthétique, étaient magnifiques; les actrices et acteurs performant·es, les mises en scènes magistrales et les chants choraux, un régal. Toute cette série a pour fil conducteur central l’histoire des Atrides telle que nous la content les tragédies de la Grèce antique, dans une adaptation saisissante où l’on retrouve les personnages mythiques que sont Clytemnestre Cassandre, Antigone, Agamem-non, Oreste, Electre, Iphigénie. Le dernier spectacle, Horrendus Banquet, voit tous ces personnages, qui sont restés des références de notre culture occidentale jusqu’à aujourd’hui, réunis autour d’une grande table lors d’un banquet sinistre et génial où ils règlent leurs comptes. Tout y passe: abus de pouvoir, haine, meurtres, guerre, incestes…

L’originalité de la démarche réside dans la confrontation constante entre le monde antique et notre monde actuel et aboutit au cœur d’une remise en question de tout ce que nous voyons se dérouler jour après jour aujourd’hui dans le monde.

Or le journal Le Courrier n’a pas consacré une seule ligne à cette série remarquable, il en a totalement ignoré les six spectacles. Ce faisant, n’ignore-t-il pas aussi ce qui fait son originalité propre et qu’il affirme dans sa devise: L’essentiel autrement? Et ne faillit-il pas quelque peu à sa mission essentielle qui est d’informer? Le Courrier est un journal qui dit se distinguer de la presse ordinaire, qui veut diffuser l’«essentiel autrement» et se veut le porte-parole de ceux qui ont un regard critique sur le monde et cherchent à le rendre si possible meilleur. Or c’est exactement ce que vise le Studio d’action théâtrale en portant sur scène des thèmes qui traversent notre société et notre culture avec la volonté de faire réfléchir. Tout ceci dans l’éblouissement de l’art théâtral. Il est incompréhensible que durant trois mois le SAT n’ait eu aucune visite de journalistes du Courrier pour cette suite de spectacles offerts pour ses 35 ans d’existence. Ainsi vous ignorez la troupe de théâtre sans doute une des plus originales. Vous vous devez de réparer ce très malheureux oubli en rendant l’hommage qui lui est dû au théâtre du Galpon.

Martine Ruchat,
historienne de l’éducation et auteure

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