Scène

Un grand laboratoire

Le Courrier présente les critiques des étudiant-e-s du Programme romand en dramaturgie et histoire du théâtre. Jade Lambelet nous parle ici de Peer ou, nous ne monterons pas Peer Gynt.  
Un grand laboratoire
"Peer ou, nous ne monterons pas Peer Gynt". FABRICE DUCREST
Théâtre

En ne montant pas Peer Gynt, œuvre ­d’Ibsen, Fabrice Gorgerat refuse le geste d’adaptation d’un texte à la scène et se sert du plateau comme d’un lieu de question­nement, qui interroge les manières contemporaines d’ha­biter un monde en crise. Une démarche au cœur de l’actualité et de l’urgence écologique, qui réfléchit et déploie spatia­lement une philosophie de l’ef­fondrement.
Comme l’indique par la négative le titre du spectacle, l’histoire de Peer Gynt n’est ni montrée ni même racontée. Elle fonctionne comme pré-texte et son personnage comme un contre-modèle.

C’est principalement le plateau, sans cesse réaménagé par les cinq comédien·ne·s, qui soutient et métaphorise la portée discursive du spectacle: retrouver un rapport sain et en harmonie avec la Terre, réhabiter et redonner sens à un monde au bord de l’effondrement. A cet égard, l’univers sylvestre et communautaire reconstitué sur scène prend à contrepied les attitudes de Peer Gynt, ardent explorateur avide d’aventures, de découvertes et d’argent. A partir de là, le dispositif scénique devient l’essence même du projet qui travaille l’espace non plus comme le support d’une histoire à raconter, mais comme un matériau physique et sémantique à part entière. Un décor englobant qui évoque tout à la fois un lieu reposant de bien-être et un grand laboratoire abritant une petite communauté de cinq ­personnes.

Le plateau se divise en plu­sieurs secteurs réagencés selon les besoins des perfor­mances, rituels ou autres opé­rations, de la danse enragée d’une créature fantastique à la cérémonie musicale embaumée d’effluves de sauge; du bulletin astrolo­gique à l’énumération des vertus des pierres. Sans linéa­rité, les tableaux se présentent comme autant de tentatives pour repenser notre relation à la nature et nos manières d’agir sur elle. Non sans ironie, certes, sur ces «méthodes de recon­quête» du lien à la Terre: mais peut-être est-ce là aussi une injonction à tempérer l’actuel besoin, si effréné, de donner sens au monde?

> La Grange de Dorigny, Lausanne.

Les critiques des étudiant-e-s du Programme romand en dramaturgie et histoire du théâtre sont disponibles dans leur version intégrale sur le site de l’Atelier critique: ateliercritique.ch

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