Égalité

Un 8 mars inédit

Environ deux mille manifestantes étaient réparties à Genève dans différents lieux pour une journée internationale des droits des femmes repensée à cause du coronavirus.
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Sur la place des Grottes, des militants ont repris la performance chilienne "Un violador en tu camino" (un violeur sur ton chemin). JEAN-PATRICK DI SILVESTRO
8 mars

Elles l’avaient promis: «le coronavirus n’empêchera pas le 8 mars féministe!» Des milliers de manifestantes se sont réunies dans toute la Suisse ce dimanche pour la journée internationale des droits des femmes.

Et ce malgré l’interdiction des manifestations de plus de 1000 personnes décrétée par le Conseil fédéral, le 28 février. En Suisse romande, rendez-vous était donné dans les villes de Genève, Lausanne, Neuchâtel, Vevey, Morges, Yverdon, Nyon, Porrentruy et Anzère.

A Genève, le collectif prévoyait entre trois mille et six mille manifestantes pour le cortège. C’est finalement environ deux mille personnes qui ont répondu présent, réparties entre toutes les activités tout au long de la journée.

Le temps volé aux femmes

Interdiction fédérale oblige, les collectifs féministes ont été contraints de réinventer leur 8 mars. «On a reçu un coup sur la tête à l’annonce de la décision», déclare Maria «Charito» Wuillemin, membre du collectif de la grève féministe de Genève.

Elle raconte la frustration de voir 4 mois de travail soudain mis en péril. Ironie du sort, c’est le temps qui est au centre des revendications féministes du jour. «On a dû déconstruire et reconstruire rapidement. J’ai passé tout le mardi au téléphone pour obtenir les nouvelles autorisations. C’est ce que font beaucoup de femmes au quotidien: s’adapter à des changements indépendants de leur volonté, faire correspondre leur emploi du temps à des impératifs extérieurs.»

Deux nouveaux mots d’ordre: multiplier et décentraliser. Des ateliers féministes, prises de parole, soupes solidaires et performances militantes s’organisent dans l’urgence.

Sur la place des Grottes, les groupes commencent à affluer dès 10h. Pourquoi les Grottes? «C’est un quartier dont l’histoire est marqué par les luttes sociales, notamment les luttes féministes», répond Maria «Charito» Wuillemin. Une histoire racontée à l’Almacén, lieu de rencontre et de culture aux Grottes, où se tient en parallèle une exposition sur l’ancien Centre femmes des Grottes. Un bâtiment occupé durant quelques mois par le Mouvement de libération des femmes (MLF), en 1976. Plus tôt, le collectif des Vieilles femmes indignes et indignées a déposé une plaque commémorative devant celui-ci.

A 10h30, la chorale Nana’n’air entonne un hymne féministe sur la place des Grottes, devant plusieurs centaines de personnes. Puis, le groupe des Fouines de l’école de danse Urban Shape réalise une chorégraphie pour dénoncer les inégalités. Elles dansent sur des chaises laissées vides jusque-là. Un hommage aux femmes qui ne pourront pas faire entendre leur voix ce 8 mars: femmes sans papier ou travailleuses du Care.

Des travailleuses précarisées

Sur la thématique des travailleuses, le SIT mène une action à 11h. Il dénonce la précarité qui touche les femmes employées dans le secteur tertiaire privé, comme l’économie domestique, le nettoyage ou l’hôtellerie. «Ce sont des métiers dont on ne peut se passer. On souhaite que la société les reconnaisse à leur juste valeur», précise Marlène Carvalhosa Barbosa, membre du collectif de la grève féministe et secrétaire syndicale du SIT.

A l’intérieur de l’Université ouvrière de Genève (UOG), de nombreuses tables rondes ont lieu, ainsi qu’un brunch organisé par le groupe des hommes solidaires.

Evènement phare de la journée, les percussionnistes du Red de Tamboreras de Suiza, se mettent en route pour la place de la Navigation. A 15h24, moment symbolique où les femmes arrêtent d’être payées par rapport aux hommes, elles reprennent la performance «un violeur sur ton chemin» du collectif chilien Las Tesis. Au même moment, de nombreuses femmes en Suisse et dans le monde entier s’époumonent: «La coupable ce n’est pas moi, ni mes fringues, ni l’endroit. Le violeur c’était toi.»

La journée se termine à la Place des Grottes à 18h où prises de parole et expositions se poursuivent toute l’après-midi.

Société Régions Égalité Genève Sébastien Brunschwig 8 mars

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