Sisyphe et les femmes déterminées
Elles seraient désormais majoritaires, les féministes. Dictatoriales osent dire certains. Elles auraient réussi à corseter le débat public et terroriseraient ceux qui développent une pensée «dissidente». On salue «le courage» des intrépides qui s’opposent à leur revendications. On offre des tribunes et on tresse des lauriers aux intellectuels – c’est encore mieux si c’est une femme – qui dénoncent leurs revendications «victimaires», lorsqu’elles ne sont pas tout bonnement taxées d’irrationnelles. On déploie des trésors d’ingéniosité pour minimiser des demandes absolument légitimes.
Les faits sont cependant têtus et là pour nous rappeler le sort que notre société réserve à la moitié d’entre-nous: discriminations sexistes, féminicides – en Suisse, une femme meurt toutes les deux semaines sous les coups de son conjoint –, écart salarial (20% moins élevé que celui des hommes), violences sexuelles, distribution inégalitaires des tâches domestiques, pour ne citer que les réalités les moins contestées.
Inlassablement, ces femmes, qu’on voudrait faire taire, remettent l’ouvrage sur le métier. Dénoncer, rappeler les faits, témoigner, exiger, ne pas se décourager. Recommencer. Comme Sisyphe, elles roulent leur fardeau – patriarcal celui-ci – au sommet d’une montagne d’obstacles et de mauvaises volontés. Avec pour seule consolation que ces résistances témoignent de la prise au sérieux de leur lutte et que celle-ci ébranle le vieux monde. Inexorablement, des privilèges cèdent, des droits s’acquièrent, de la dignité se retrouve à mesure que le sommet se rapproche.
Dans le mythe, Sisyphe échoue éternellement dans sa tâche. Il n’avait sans doute pas la détermination des femmes qui ont défié la société dimanche.