Un 8 mars avant-coureur
A travers le monde, les femmes manifestent ce mercredi pour leurs droits. Une manifestation chaque année plus anachronique, chaque année plus nécessaire. Car l’égalité est loin d’être atteinte, même si quelques progrès peuvent faire illusion. La votation suisse de septembre dernier l’a rappelé. La majorité du peuple a décidé de relever l’âge de la retraite des femmes alors que celles-ci gagnent en moyenne 18% de moins que leurs collègues masculins (chiffres 2020).
A l’échelle mondiale, les femmes touchent en moyenne l’équivalent de la moitié d’un salaire masculin, rapportait lundi l’Organisation internationale du travail, avec des différences très significatives selon les régions du monde. La mobilisation du 8 mars s’étend à tous les autres droits bafoués, qu’il s’agisse de violences sexistes et sexuelles, de discriminations liées au genre, d’accès à l’éducation, à la justice, à l’autonomie.
Une autonomie qu’ONU Femmes place une fois encore au cœur de ses préoccupations. En point de mire de 2023, les technologies de l’information, formidables instruments d’autonomisation potentiels. Notamment au Sud, où elles peuvent jouer un rôle important pour l’alphabétisation, l’accès au marché du travail ou aux soins. Mais les femmes restent sous-représentées dans les métiers du numérique, et en particulier dans le secteur principalement masculin qu’est l’intelligence artificielle (IA). Et les algorithmes reproduisent voire amplifient trop souvent les discriminations existantes, qu’elles soient sexistes ou racistes. Ce fut notamment le cas lorsque l’Office du chômage autrichien a créé un logiciel visant à intégrer les chômeurs et chômeuses sur le marché du travail: les femmes avec des enfants à charge recevaient toutes une plus mauvaise évaluation du système que les hommes avec responsabilités parentales égales.
En Suisse, les militantes manifesteront ce mercredi pour leurs droits, marquant aussi leur solidarité avec les femmes iraniennes, afghanes et péruviennes. Elles lèveront le poing pour défendre les conditions d’accès à l’avortement en Suisse, menacées par deux initiatives de l’UDC.
La force collective – emblématique du 8 mars – signe parfois de belles victoires. En Suisse, grâce au combat de la société civile, de parlementaires et de femmes qui ont osé témoigner publiquement de ce qu’est un viol, la contrainte ne sera désormais plus une condition préalable à la reconnaissance d’un viol. Le refus, explicite, implicite, verbal ou non verbal suffira à constituer celui-ci, a reconnu mardi le Conseil des Etats. De fait, la sidération des victimes sera prise en compte. C’est dire que la lutte et la cohésion peuvent payer. La grève du 14 juin prochain, à laquelle appellent les manifestantes du 8 mars, a bien l’intention de le rappeler.