Édito

Indispensable consentement

Indispensable consentement
Les actrices Rosanna Arquette (centre) et Rose McGowan (droite), figures du mouvement Metoo, ont manifesté à l'arrivée d'Harvey Weinstein, lundi 6 janvier. KEYSTONE
MeToo

Le procès pénal d’Harvey Weinstein s’est ouvert hier à Manhattan, le jour même d’une nouvelle inculpation à Los Angeles pour des faits commis en 2013. Depuis octobre 2017 et les premières révélations du New York Times et du New Yorker, plus de quatre-vingts femmes ont accusé l’ancien patron des studios Miramax de les avoir harcelées ou agressées sexuellement. Parmi celles-ci, des célébrités comme Léa Seydoux, Cate Blanchett, Salma Hayek, Angelina Jolie ou Gwyneth Paltrow. En parallèle, un hashtag des réseaux sociaux est devenu planétaire, déliant d’innombrables langues sans accès prime time – celui de Metoo.

Les preuves matérielles et témoins étant rares, le volet pénal ne concerne au final que trois victimes présumées: l’ancienne assistante de production Mimi Haleyi, une plaignante demeurée anonyme et l’actrice Annabella Sciorra. Or la partie est loin d’être gagnée pour l’accusation, car les avocats de l’ex-magnat hollywoodien feront tout pour décrédibiliser les témoignages, afin de convaincre les jurés que le consentement était toujours au rendez-vous. Des jurés triés ces jours sur le volet, parmi lesquels les avocats de la défense tenteront bien entendu d’exfiltrer des profils par trop féministes.

Le procès débute alors que la polémique autour de Gabriel Matzneff continue à secouer la France. Pédophile et fier de l’être, l’écrivain octogénaire, auteur de plusieurs ouvrages où il narre ses abus de mineurs, est au cœur d’un livre paru jeudi dernier: l’éditrice et écrivaine Vanessa Springora raconte l’emprise qu’à eu Matzneff sur elle alors qu’elle avait 13 ans (et lui 49), dans les années 1980 (notre édition du 3 janvier). Jamais inquiété par la justice, protégé par une partie de l’intelligentsia littéraire parisienne – Philippe Sollers, Frédéric Beigbeder ou encore Bernard Pivot, ce dernier ayant invité Matzneff pas moins de six fois sur le plateau d’Apostrophes –, l’écrivain voit enfin son étoile pâlir. «C’était une autre époque», s’excusent ses défenseurs d’alors. Clairement un avis que ne partage pas Vanessa Springora: «A 14 ans, on n’est pas censée (…) se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche à l’heure du goûter», écrit-elle crûment.

Si les agissements de l’auteur de l’essai explicite Les Moins de 16 ans (1974) suscitent enfin colère et dégoût, c’est aussi grâce à Metoo. Car c’est bien l’absence d’assentiment qui est au cœur des deux affaires – le livre de Springora s’appelle d’ailleurs Le Consentement (Grasset). Un «oui» qui ne peut venir que de personnes adultes, ou ayant pour le moins atteint la majorité sexuelle. Avant cela – ou en dehors de ce cadre strict –, dans les milieux culturels comme ailleurs, la question d’une relation ne se pose même pas.

Opinions Édito Samuel Schellenberg MeToo

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