On nous écrit

Frénésie vers le tout numérique

Jane Séligmann estime que Swisscom rançonne les non-connecté.e.s.
Télécommunications

Je gère moi-même mon compte bancaire, paie mes factures à la Poste, n’ai pas internet ou en use très restrictivement… Etes-vous aussi primitif ou primitive que moi?!

Pareille indépendance se paie: 5,90 francs par facture!!! Oui, c’est bien la taxe arbitraire et discriminatoire décrétée par Swisscom: 2,90 francs par facture papier plus 3 francs par paiement à la Poste.

Soit 70,80 francs par année pour une facturation mensuelle! Ou une surtaxe de 15-20%, pour un téléphone fixe et une facture mensuelle d’une trentaine de francs.

Car Swisscom a besoin et veut de l’argent, beaucoup d’argent, pour investir massivement dans des infrastructures contestées. Que vous n’utilisez justement pas? Peu lui importe! Au diable le principe de causalité! Et pour rétribuer ses actionnaires: vos 70,80 francs paieront les dividendes de 3,2 actions!

Et pour endiguer la baisse de ses revenus et bénéfices. En respectant ses abonné.e.s fidèles aux ex-régies publiques et souvent modestes? Mais non, en les rançonnant – punition pour le refus de donner l’accès direct à leur compte bancaire ou d’alimenter le big data par leurs si lucratives données personnelles!

Ainsi Swisscom rejoint les mastodontes privés, capables de dicter les normes. Pour engranger des millions en ponctionnant des «petit.e.s», sans guère de possibilité de contestation individuelle.

Alors que l’absence de légitimité de ces choix saute aux yeux, car dès que des entreprises plus modestes s’inspirent des pratiques des «puissants», on peut le contester. Par exemple une lettre collective de locataires a suffi pour que des régies abandonnent leurs tentatives de «facturer les factures»…

Suis-je donc un énergumène isolé et obsolète? Certainement pas. Si, comme environ un quart des abonné.e.s de Swisscom, je paie mes factures au guichet postal, c’est que je suis simplement d’une stricte sobriété et pratique la prudence numérique. Je suis l’un.e des 340 000 non-utilisateurs absolus d’internet. Ou encore parmi le gros million des plus modestes, dont 350 000 retraité.e.s pauvres de Suisse…

Swisscom prétend nous proposer des choix. Mais ses suggestions – ou injonctions – sont totalement inéquitables. En matière d’accès non discriminant, que dirait-on d’une alternative escalier roulant gratuit ou ascenseur payant? En matière de démocratie, que dirait-on du choix de voter «oui» gratuitement ou «non» en payant?!

Dès lors comment freiner la frénésie vers le tout numérique, imposé en ringardisant tout autre mode de vie?

Jane Séligmann,
Genève

Opinions On nous écrit Votre lettre Télécommunications

Connexion