Édito

Stopper un génocide

stopper un génocide
Des centaines de milliers de réfugiés rohingya croupissent toujours dans des camps au Bangladesh. KEYSTONE
Birmanie

Lundi, les Nations Unies ont prévenu l’ensemble de la communauté internationale. Les quelque 600 000 Rohingya vivant encore en Birmanie sont sous la menace d’un génocide. Les experts de l’ONU ont des «motifs raisonnables de conclure que les éléments de preuve qui permettent de déduire l’intention génocidaire de l’Etat […] se sont renforcés». En août 2017 déjà, lorsque plus de 740 000 membres de cette ethnie de religion musulmane ont été chassés vers le Bangladesh voisin, l’organisation internationale avait déclaré que des actes génocidaires avaient été commis durant ce nettoyage ethnique. Près de 7000 Rohingya avaient été tués. L’ONU avait alors elle-même dysfonctionné (comme l’a révélé un rapport interne en juin dernier) et les plus puissants Etats du monde avaient laissé faire.

L’histoire va-t-elle une nouvelle fois se répéter? Les enjeux géopolitiques et économiques prendront-ils, comme à l’accoutumée, le pas sur la protection des droits humains? Les indicateurs ne sont pas au vert. D’abord parce que les promesses mille fois répétées de la communauté internationale de tirer les leçons du génocide rwandais de 1994 et de celui de Srebreniça de 1995 – pour n’en citer que deux – l’amènent rarement à agir rapidement et efficacement face aux tueries de masse. La guerre civile en République démocratique du Congo, qui a déjà causé plusieurs millions de morts, vient en témoigner de manière particulièrement aiguë, alors que les ressources naturelles exploitées par les multinationales occidentales se trouvent au cœur du conflit.

Retour de réfugiés rohingya

En ce qui concerne la Birmanie, les réactions restent timorées face à l’inaction du gouvernement pour permettre le retour des centaines de milliers de réfugiés rohingya qui croupissent toujours dans des camps au Bangladesh, la poursuite de la destruction de leurs villages et l’impunité des massacres de 2017. Les sanctions décidées depuis par l’Union européenne, la Suisse et les Etats-Unis ne touchent pas le régime birman là où cela fait mal: le porte-monnaie. Pour l’heure, si des restrictions sont imposées à l’exportation de matériel de guerre et de sécurité vers ce pays et que certains dignitaires du régime sont déclarés personae non gratae, rien ne vient gêner les sources de financement du gouvernement. Les multinationales et les banques continuent ainsi de profiter des ressources naturelles du pays.

Si le blocage au Conseil de sécurité des Nations Unies n’est pas une surprise, on peut dans un premier temps espérer un positionnement et un appel à l’action plus déterminés de son Assemblée générale et de M. Antonio Guterres, son secrétaire général. Mais au-delà, alors que des sanctions unilatérales plus étendues de la part d’Etats en dehors du cadre de l’ONU ne sont en règle générale ni souhaitables ni légales – et souvent meurtrières pour les populations –, la question de leur pertinence se pose sérieusement en cas de risque avéré de génocide.

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