Édito

Le droit à une mort digne

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Rachel Lambert, l'épouse de Vincent, souhaitait depuis de longues années que son compagnon ait une mort digne. (AP Photo/Thibault Camus/Juillet 2015)
Affaire Vincent Lambert

Après onze ans passés dans un lit d’hôpital, Vincent Lambert s’est éteint jeudi matin, une dizaine de jours après l’arrêt des traitements qu’il recevait au CHU de Reims. Son destin a suscité, en France et ailleurs, des années durant, d’intenses et hypermédiatisés débats judiciaires, médicaux et éthiques.

Cet infirmier se trouvait en état végétatif depuis plus d’une décennie à la suite d’un grave accident de voiture. Son épouse, plusieurs de ses frères et sœurs et un neveu réclamaient depuis longtemps la fin de son alimentation et hydratation artificielles, qu’ils considéraient à ce stade comme de «l’obstination déraisonnable» et de «l’acharnement thérapeutique». Ils voulaient le laisser mourir dignement. Vincent Lambert avait d’ailleurs exprimé ce souhait à sa compagne auparavant.

Mais ses parents ainsi que deux de ses autres frères et sœurs se sont fermement opposés à ce qu’ils qualifient de «crime d’Etat». Proches des milieux catholiques intégristes, qui se sont fortement mobilisés sur le cas, ils ont intensément défendu le «droit à la vie», en toute circonstance. Pendant des années, de multiples autorités judiciaires, françaises et européennes, ont ainsi été saisies par les deux parties de la famille.

Bien que des professionnels de la santé rappellent qu’une telle polémique est rare – des arrêts de traitements sont réalisés quotidiennement en France sans déclencher de controverse tandis que près de 1500 patients en état végétatif chronique sont maintenus en vie –, cette affaire révèle des failles du droit quant à la définition même de la «fin de vie» et, surtout, à qui appartient la décision finale dans une situation aussi désespérée et désespérante. «L’affaire Vincent Lambert» a ainsi opposé deux positions diamétralement opposées, et à ce stade irréconciliables. L’une s’appuie sur une vision idéalisée de la vie, dans ce cas profondément religieuse, l’autre sur une approche plus pragmatique, basée sur le concept de dignité humaine.

Alors qu’une révision des lois de bioéthique françaises est attendue pour cet été, souhaitons que la mort de Vincent Lambert soit au moins utile dans les débats à venir. Son sort a soulevé trop de questionnements profonds et essentiels pour qu’on en reste là. Où commencent et où doivent s’arrêter l’obstination déraisonnable et l’acharnement thérapeutique? Quelle est la différence entre diagnostique de fin de vie et handicap profond? Comment définir la place de chaque proche? A qui revient la décision finale? Comment exprimer clairement ses souhaits avant qu’un drame ne survienne?

Il faut rendre hommage à Vincent Lambert en faisant avancer le droit à une mort digne.

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