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Un «rapport dégradant» pour les écoles de musique

L’Association de parents d’élèves des écoles de musique (ASPEM) réagit au récent rapport de la Cour de comptes relatif à l’enseignement artistique délégué, qui reproche aux structures concernées un manque de démocratisation de l’accès aux pratiques.
Genève

C’est avec grande perplexité que l’ASPEM (Association des parents d’élèves des écoles de musique)1>L’ASPEM regroupe des parents d’élèves au sein des dix institutions subventionnées, membres de la Confédération des écoles genevoises de musique (CEGM)., ainsi que les nombreux parents pour lesquels elle se fait le porte-parole, prennent connaissance du rapport de la Cour des comptes paru le 6 juin 2019.

Nous estimons essentiel d’apporter une réponse à ce rapport, qui s’avère passablement dégradant pour les écoles de musique genevoises, peu respectueux des élèves musiciens et de leurs professeurs. C’est d’autant plus étonnant pour qui connaît le long passé musical de Genève et l’excellent niveau de son enseignement musical.

Le choix de l’échantillon désigné pour l’étude de la Cour des comptes constitue un premier élément qui laisse songeur. Le «public-cible» de la CEGM [Confédération des écoles genevoises de musique, rythmique Jaques-Dalcroze, danse et théâtre] englobe 10’000 élèves de 4 à 25 ans. Quelle était donc la pertinence de mener une étude sur 400 adolescents, au cycle, alors que l’on sait cette tranche d’âge constitue celle pour laquelle les motivations sont si instables et changeantes? Ces mêmes élèves interrogés pratiquent-ils vraiment une autre activité en dehors de l’école? Devrait-on forcer tout le monde à pratiquer une activité musicale, au détriment de ceux qui le font avec plaisir et motivation? Le rapport ne le mentionne pas.

Sur le plan de la démocratisation, lorsque l’on connaît le coût de vie passablement élevé à Genève, il est évident que les foyers à revenus modestes n’ont souvent aucune possibilité de proposer une activité extrascolaire régulière à leurs enfants; l’investissement financier et le manque de disponibilité pour des parents, souvent déjà préoccupés à joindre les deux bouts, permettent rarement un accès à de nombreuses activités extrascolaires. Une coupe dans les subventions accordées aux écoles fermerait encore davantage l’accès à la pratique musicale pour ces familles. Et pourtant, des projets comme «MusicEnsemble» ou «Un violon dans mon école» ont été mis sur pied par les écoles de musique, pour des sommes permettant aux familles précaires d’y accéder. Comment se fait-il que les écoles de musique soient contraintes de chercher sans cesse des mécènes pour cela?

Le rapport mentionne ensuite un manque d’offre dans le domaine de la danse, et notamment du hip-hop. Or ces cours sont proposés au CPMDT [Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre] depuis plusieurs années au département de danse et ils sont loin d’être remplis. C’était également le cas de l’ETM [Ecole des musiques actuelles et des technologies musicales], qui a fermé sa classe de hip-hop en 2018 faute de participants… Signe que l’art des rues ne s’accommode que difficilement des murs d’une institution? Cela interroge également sur la vocation que l’on veut donner à nos conservatoires: démocratisation devrait-elle nécessairement rimer avec loisir? Pourquoi cantonner les personnes en situation précaire à un enseignement par tâtonnement plutôt qu’un enseignement de qualité pour tous?

Selon la Constitution suisse article 67a, trois objectifs doivent être respectés en matière de formation artistique: 1) l’accès des jeunes à la pratique musicale; 2) la promotion à l’école d’un enseignement musical de qualité; 3) l’encouragement des talents musicaux. A Genève, le législateur a souhaité également inclure la rythmique Jaques-Dalcroze, la danse et le théâtre.

L’enquête menée par la Cour des comptes auprès des utilisateurs des écoles conclut de manière très claire que l’enseignement dispensé satisfait pleinement ses usagers. La récente augmentation des élèves de filière préprofessionnelle reflète bien l’aptitude des écoles de musique à accompagner précocement les jeunes talents, quel que soit leur niveau socio-économique. Un tel rapport pourrait avoir, au final, pour effet de priver les écoles de musique des moyens qui leur permettent de dispenser un enseignement de qualité, en leur ôtant leur indépendance et leurs compétences et en les empêchant de mener à bien les projets de démocratisation qu’elles s’évertuent déjà de proposer.

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