Édito

Qui perd, perd

Qui perd, perd
La mécanique infernale enclenchée par RFFA, acceptée le 19 mai dernier, s’inscrit bien dans l’air du temps: celle de l’individualisme galopant au détriment des solidarités. KEYSTONE
Péréquation financière

Le Conseil des Etats a bouclé mercredi la réforme du mécanisme de la péréquation financière intercantonale. Une nécessité, ne serait-ce que pour acter le vote du 19 mai dernier sur la RFFA (Réforme fiscale et financement de l’AVS) qui prévoyait un mode de calcul différent de l’indice de capacité financière des cantons. En clair: il sera davantage tenu compte du revenu des personnes physiques et moins de celui généré par le bénéfice des entreprises.

Logique: comme le taux d’imposition des personnes morales baisse grosso modo de moitié, les bénéfices s’en trouveront logiquement dopés. A la perte fiscale pour les cantons à forte densité économique se serait ajouté un déséquilibre péréquatif. Non seulement, ceux-ci perdent des ressources fiscales, mais ils se retrouveraient à devoir payer davantage aux cantons pauvres.

Ces derniers pourraient se retrouver lésés dans l’opération. On s’inquiétera pour des régions réellement périphériques comme le Jura; on ne versera pas trop de larmes sur un canton comme Lucerne qui a utilisé la péréquation pour financer sa sous-enchère fiscale.

Le processus voté mercredi aux Etats – fidèle à une tradition helvétique d’une mécanique horlogère bien huilée – tente à la fois de compenser les charges des cantons alpins et celles des grands centres urbains. On n’est pas loin du grand écart. Il faudra juger sur pièces, sans trop se faire d’illusions.

Car le système a ses défauts. Il pénalise des cantons-frontière comme Genève: la péréquation financière tient compte de sa population frontalière pour le calcul de son revenu mais l’oublie lorsqu’il s’agit d’évaluer les charges que celle-ci génère. Inversement, un canton comme Berne, centre administratif fédéral s’il en est, se retrouve ménagé. Et là, le rééquilibrage n’a pas eu lieu.

Est-ce si étonnant? La mécanique infernale enclenchée par RFFA s’inscrit bien dans l’air du temps: celle de l’individualisme galopant au détriment des solidarités.

Durant les années 1990, Genève et Vaud avaient passé un gentlemen’s agreement pour éviter la concurrence fiscale; cette époque est révolue. Vaud s’est lancé dans la sous-enchère fiscale avec sa loi anticipatrice de RFFA. Genève a dû s’aligner, sans trop se plaindre il est vrai.

La foire d’empoigne a commencé. Et l’on sait à qui cette sous-enchère va prioritairement bénéficier: ceux qui savent jouer et abuser des faiblesses de ce système.

Opinions Suisse Édito Philippe Bach Péréquation financière RFFA

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