Aéroport: la faillite de la direction
Il y a le feu sur le tarmac, mais la tour de contrôle reste muette. Les dirigeants de l’aéroport de Genève se murent dans le silence depuis la semaine dernière. Depuis que le Ministère public et la Cour des comptes ont confirmé, et même au-delà, toutes les questions soulevées par Le Courrier dès décembre 2018 sur l’attribution de marchés publics. La justice enquête actuellement sur un cas de corruption présumée. Il serait toutefois erroné de limiter l’affaire aux défaillances d’un seul haut cadre de l’aéroport. Les conclusions de la Cour des comptes démontrent que la direction générale n’a rien fait pour éviter le pire, alors même qu’elle avait été alertée. La position d’André Schneider à la tête de l’institution n’est plus tenable.
Il n’y a pas si longtemps, en décembre et en mars, la direction générale de l’aéroport assurait dans nos colonnes que tout avait été fait dans les règles en matière d’adjudication des marchés publics. Le chef de la sûreté, aujourd’hui en détention provisoire, n’était pas en mesure d’influencer le choix des prestataires et ses nombreux conflits d’intérêts étaient strictement encadrés. Des déclarations qui ne correspondaient en rien à la réalité.
L’examen sommaire effectué par la Cour des comptes relève qu’aucune mesure n’a été prise par la direction de l’aéroport pour éviter des malversations éventuelles dans le choix de prestataires. On parle pourtant de contrats à plusieurs dizaines de millions de francs. Le haut cadre, a priori écarté de la procédure car sujet à des liens d’amitié avec des sociétés impliquées dans le concours, a pu lui-même ouvrir les enveloppes contenant les offres. Des évaluations ont été modifiées et les résultats probablement faussés.
De façon générale, les démarches entreprises par la direction de l’aéroport face à un cadre qui semblait confondre les intérêts de l’institution avec ceux de ses amis d’affaire sont jugées insuffisantes. Les indices étaient pourtant nombreux. La confiance peut-elle être maintenue envers une direction qui a joué la carte de la passivité? Certainement pas.
Ce scandale révèle aussi le rôle pour le moins léger du conseil d’administration, souvent qualifié de «chambre d’enregistrement» au moment de contrôler la bonne marche des affaires de l’entité publique. Lorsque certains de ses membres ont tenté, l’année dernière, de questionner l’adjudication d’un marché à la société émiratie Dnata, dans le cadre de l’affaire Maudet, ils ont subi des pressions de la part de la présidence pour les inciter à rentrer dans le rang. Les interrogations sont toutefois légitimes: a-t-on pu, là aussi, ouvrir les enveloppes et modifier les résultats? L’aéroport doit agir rapidement afin de restaurer sa crédibilité.
Le Conseil d’Etat serait bien inspiré de s’en mêler davantage. La politique de l’institution, et en particulier sa propension à privatiser ses tâches, doit être revue. Si la formation des agents de sûreté n’avait pas été externalisée en 2015, l’aéroport ne serait pas aujourd’hui contraint d’affronter un scandale de corruption présumée. Le tout, dans un domaine aussi crucial que la sûreté des passagers.