Édito

Jurisprudence Lula en Argentine

Jurisprudence Lula en Argentine 1
Cristina Kirchner a créé la surprise le week-end dernier en renonçant à briguer la succession de Macri le 27 octobre prochain. Keystone
Argentine

Indéchiffrable Argentine. Alors que le président Mauricio Macri poursuivait sa chute aux enfers dans le sillage de la seconde économie d’Amérique du Sud, son opposante numéro 1, Cristina Kirchner, a créé la surprise le week-end dernier en renonçant à briguer sa succession le 27 octobre prochain. L’ancienne cheffe de l’Etat (2007-2015), pourtant favorite des sondages, ne visera que la vice-présidence sur le ticket d’Alberto Fernández. Un politicien certes d’envergure, qui fut son chef de cabinet et celui de son mari, Nestor Kirchner (2003-2007), mais avec lequel elle était en conflit depuis plus d’une décennie…

Magie d’une politique nationale où les stratégies et les écuries personnelles comptent davantage que les partis ou les idéologies, cette opportune réconciliation est aussi un audacieux coup de poker. A cinq mois des élections, Cristina Kirchner n’était pas à l’abri de la mésaventure arrivée à Lula, incarcéré pour une douteuse affaire de corruption et empêché de se présenter à la présidence du Brésil. Or Mme Kirchner est elle aussi aux prises avec la justice, contrairement à Alberto Fernández, vierge de toute casserole judiciaire.

Autre leçon de la victoire de Jair Bolsonaro retenue par les stratèges du camp progressiste: éviter la mobilisation de l’adversaire. Comme Lula, l’ex-présidente argentine est un personnage extrêmement clivant. L’une comme l’autre sont les symboles d’un espoir politique et d’une époque – bien au-delà de leur bilan réel. Aux côtés d’Alberto Fernández, «Cristina» peut rassembler plus large tout en revendiquant l’héritage du kirchnérisme.

Si la rocade semble habile, elle exprime surtout l’importance de cette élection. Depuis la victoire de Mauricio Macri, le pays vit des heures sombres. Le démantèlement social opéré sous la conduite du FMI a profondément déprimé une économie dépendante à la consommation interne. Avec une chute du PIB de 2,5% et une inflation de 50%, l’année 2018 a définitivement enterré les promesses de 2015 et délégitimé la politique d’austérité. Qui loin de stopper les déficits publics, les a creusés, tout comme la dette et la pauvreté. Celle-ci concerne désormais un Argentin sur trois et 42% des enfants! Avec un tel bilan, les largesses concédées aux agro-exportateurs, au secteur financier et aux industries extractives, qui servaient de politique économique à M. Macri, sont vues pour ce qu’elles ont toujours été: une escroquerie du bien public.

Dans une Amérique latine dérivant vers des gouvernements autoritaires ou totalement inféodés aux capitaux internationaux et aux Etats-Unis, le scrutin argentin prend des airs de dernière opportunité pour redresser la barre et de reconstruire un pays sur des bases solidaires et souveraines. Dans ce contexte, le ticket Alberto-Cristina ne semble pas être le pire des choix.

Opinions International Édito Benito Perez Argentine

Connexion