RFFA: un projet cynique et sans durabilité
Un paquet ficelé doit toujours inciter à une saine méfiance. Lier le dossier de l’imposition du bénéfice des entreprises avec celui de l’AVS frise le code, les deux objets n’ayant rien à voir. A part mettre en évidence l’existence d’un marchandage opportun, on ne peut guère invoquer la sacro-sainte unité de matière.
Et, sur le fond, cette méfiance initiale persiste. Les gains sur l’AVS seront en grande partie pris sur les salaires (via une hausse des cotisations sociales et une baisse annoncée des prestations complémentaire fédérales). L’injection d’argent frais stabilisera certes pour quelque temps le système de prévoyance mais n’apporte aucun gain, ni pour les retraités actuels ni pour les futurs retraités.
Quant à la promesse de certains politiciens de gauche plaidant que cela éloignerait le spectre d’une augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes, elle tient de la méthode Coué. AVS 21 sera déposé après l’été et les discours sont au mieux évasifs sur cette question fondamentale.
Quant au volet fiscal – quelle part des bénéfices réalisés par les entreprises va à l’impôt? –, il est porteur des mêmes défauts que la RIE III (troisième réforme de la fiscalité des entreprises, refusée par le peuple en février 2017). En réduisant de 2 milliards ce poste, on ne prend pas l’argent où il est, un des principes pourtant de l’impôt qui est de redistribuer les richesses produites. Le fardeau du financement de l’Etat retombera à terme sur les salaires au profit des 1%.
La sous-enchère pratiquée par la Suisse, et pour laquelle celle-ci est critiquée, conservera toute son actualité. Notre pays restera un paradis fiscal, sapant la substance et la base économique des pays voisins et des Etats du Sud.
Des niches fiscales – dont les «patent box» – ont été opportunément inscrites dans la loi mise en votation. Tout dépendra de la manière dont les cantons les appliqueront. Mais on a vu que ceux-ci, par l’odeur de la sous-enchère fiscale alléchés, sont surtout mus par l’avidité. On peut donc gager que les niches fiscales seront douillettes et exploitées plein pot.
On est en train de rejouer une partition que l’on connaît bien et qui relève d’une stratégie du déni. La Suisse s’est cramponnée comme une moule sur son rocher au secret fiscal avant de devoir céder. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) œuvre pour mettre un peu d’ordre dans le Barnum fiscal international. Et les Etats-Unis de Trump ont aussi sonné l’hallali. Le taux moyen d’imposition suisse serait de 14% en cas d’acceptation de la RFFA. Pour l’heure, il semble être dans les clous. Mais de peu.
En revanche tous les signaux montrent que, dans le moyen terme, les exigences internationales vont être relevées. La polémique est d’ores et déjà annoncée. Si l’on veut éviter une nouvelle mise au pilori, tout plaide pour un refus de ce paquet qui sent déjà le renfermé et n’est porteur d’aucune solution durable.