Chroniques

Des centaines d’heures de résistance

Nous ferons grève le 14 juin!

A mi-mars, la troisième conférence de grève avait lieu à Bâle; quelque 60 femmes et personnes queer ont participé jusqu’ici aux rencontres, plusieurs centaines de personnes demandent à être informées, et une centaine d’entre elles participent aux différentes activités.

Nous menons toutes des vies très différentes. Et chaque militante doit régulièrement envisager la perspective des autres, et refuser de considérer sa situation de travail ou familiale comme un problème privé mais l’intégrer dans le cadre politique de notre pays. Cet exercice nous fait grandir – aussi à titre personnel.

Même si les femmes* posent régulièrement des revendications communes, au parlement ou dans la rue, leurs actions ne sont pas si souvent «hétérogènes» : il est rare que des journalistes débattent avec des étudiantes ou des personnes à la retraite, par exemple. Et il est rare que les mamans soient sollicitées pour une action politique, comme c’est le cas aujourd’hui. Découvrir nos différentes histoires de discriminations nous porte – y compris à travers les longues séances de préparation  –, comme la richesse des mouvements féministes et queer, et sans parler du courage et de l’envie de mener ce projet de grève à bien. Il faudra pourtant encore beaucoup de soutiens pour que nous puissions réaliser tout ce qui est prévu. Cette grève, nous voulons la vivre avec plaisir, et ne pas arriver épuisées au 14 juin, n’aspirant plus qu’à une longue pause d’été.

Le comité bâlois a décidé que les débats et interventions auraient lieu sans hommes cisgenres. Les hommes solidaires ont donc décidé de s’organiser de façon indépendante. Ils proposent des soutiens, en particulier pour ce qui concerne la garde des enfants et le ravitaillement. Certains ont aussi offert de s’occuper des personnes âgées dont les femmes assurent le soin, bénévolement.

La question des discriminations subies aussi par les hommes est régulièrement thématisée dans nos réunions. Et nous prenons toujours mieux conscience des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes trans-, inter- et non binaires. Nous avons donc décidé de d’assortir la grève des femmes* d’un astérisque, pour manifester sémantiquement l’inclusivité. Et nous lutterons le 14 juin pour un monde meilleur et préservé – la dimension climatique a donc forcément pris place dans notre catalogue de revendications. Même si la grève des femmes* concerne nos expériences de violence et de discriminations, la solidarité et le souci de nos ami(e)s, de nos partenaires et de l’environnement en font partie.

Pour attirer l’attention sur notre grève, nous menons plusieurs actions: lors du carnaval de Bâle, un groupe de «Waggis féministes» a défilé en masques typiques. Un autre groupe prévoit une manifestation autour de la grève des femmes de 1991. D’autres militantes sont présentes sur les réseaux sociaux où elles gèrent le flux des questions et commentaires. A mi-mars, une grande journée de tractage nous a bien mobilisées pour informer plus largement sur la grève.

Les femmes* de Bâle-campagne ont décidé de s’adosser à Bâle-Ville pour cumuler les forces. Leurs priorités peuvent diverger: leur première action a ainsi été de réunir une table ronde rassemblant des femmes de divers partis. Les conditions de travail et de vie des paysannes jouent aussi un rôle bien plus important dans leurs discussions que dans les nôtres. Elles proposent en outre des actions originales : elles allumeront ainsi des feux de joie sur les collines bâloises une semaine avant la grève, en signe d’alerte.

Les inégalités ne seront sans doute pas éliminées le 15 juin 2019. Mais au vu du nombre d’heures de travail déjà investies dans l’organisation de la grève, une certitude apparaît : les femmes* établissent d’autres priorités. Au cours des dernières semaines, des centaines de cuisines n’ont pas été nettoyées, des centaines de repas n’ont pas été préparés, des montagnes de lessives n’ont pas été repassées: car les femmes* ont utilisé heures pour se rencontrer et organiser leur résistance.

Traduction : Dominique Hartmann

Opinions Chroniques Collectif bâlois pour la grève

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