Édito

Les failles du filet social

Brouillon auto 129
Entrée de l'Office Cantonal de l'emploi et de l'Hospice general. (KEYSTONE/Martial Trezzini)
Aide sociale

Méconnaissance du système et des droits, complexité et tracasseries administratives, culpabilisation: les causes du non-recours aux prestations sociales sont pointées du doigt depuis longtemps par ceux qui assistent les plus démunis. Une étude genevoise menée directement auprès de personnes concernées confirme désormais leurs constats.

Les auteures du rapport présenté mardi se sont penchées sur les obstacles rencontrés par les personnes qui ne reçoivent pas le soutien étatique auquel elles ont pourtant droit, afin de mieux cerner les failles du filet social. La crainte de stigmatisation et l’inhospitalité de certains services publics sont relevés par ceux qui renoncent à leurs droits.

Cette étude doit maintenant servir de base de travail pour guider les réformes nécessaires des services sociaux, afin que l’Etat ne laisse plus à l’abandon des gens dans une situation précaire. D’autant qu’ils sont nombreux. Caritas et le CSP, qui œuvrent sur le terrain, estiment qu’une personne sur deux qui devrait recevoir des prestations n’y a pas recours.

Certains sont d’avis qu’il ne faut pas courir après celui qui ne demande pas d’aide. Mais tabler sur le non-recours dans l’espoir de dépenser moins de deniers publics relève du très mauvais calcul. Comme l’ont d’ailleurs relevé Esther Alder et Thierry Apothéloz, magistrats chargés de l’action sociale à la Ville de Genève et au Canton, il s’agit là de vue à court terme, de fausses économies. Car il revient toujours plus cher pour la collectivité de prendre en charge une situation dégradée que de soutenir au plus tôt les gens dans la précarité.

Outre l’essentiel besoin d’améliorer l’information auprès des personnes les plus isolées, un changement d’approche envers les bénéficiaires est nécessaire. Ceux-ci se sentent trop souvent considérés comme des abuseurs présumés du système. Le parcours administratif qu’ils affrontent pour obtenir un soutien est truffé de petites humiliations, qui en poussent beaucoup à renoncer.

Il ne faut bien sûr pas sombrer dans l’angélisme. Lutter contre la fraude et démontrer une bonne gestion des prestations renforce la légitimité de l’Etat social. Mais les discours populistes stigmatisant les pauvres déteignent depuis trop longtemps sur le traitement médiatique, l’opinion publique, l’action de l’Etat et sur l’attitude de certains de ses agents. Rappelons pourtant que si les chiffres manquent pour la Suisse, en France, les sommes des prestations non versées aux bénéficiaires potentiels représentent trois fois celles liées à la fraude. Le combat est là: contre la précarité. Nous en avons les moyens.

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