Chroniques

Un travail de longue haleine

Nous ferons grève le 14 juin!

J’ai 65 ans, 18 ans, 36 ans. Je suis physiothérapeute, secrétaire dans un hôpital, syndicaliste, étudiante, artiste, sans emploi. Je vis à Renens, à Morges, à Lausanne, à Nyon. Je viens d’Espagne, du Kurdistan, de Colombie, du Tessin, de Zurich. Rien ne nous destinait forcément à nous rencontrer, à échanger et à construire ensemble un tel mouvement. Pourtant depuis le 2 juin 2018, nous sommes les visages et les voix du Collectif vaudois pour la grève des femmes**, la grève féministe du 14 juin prochain. Les Assises romandes de Lausanne ont été un moment fort: nous avons été si heureuses de nous retrouver si nombreuses. D’un coup, l’idée, lancée au Congrès des femmes de l’USS, d’organiser une grève des femmes en 2019, nous a semblé à portée de main. L’envie de suivre l’exemple de l’immense grève espagnole du 8 mars nous a donné des ailes: ensemble, nous avons décidé de lutter contre une société sexiste et patriarcale, contre les discriminations que nous subissons tous les jours dans la rue, au travail, à la maison.

Ensemble nous avons construit et aiguisé nos arguments, solidifié nos convictions. Nous avons marché dans la rue le 22 septembre à Berne, puis le 24 novembre à Lausanne, pris la parole pour porter nos revendications, fabriqué des pancartes, crié, rigolé, organisé des événements, des conférences et même fait la fête à Nouvel An au Romandie lors de la soirée pour la grève!
Faire partie du collectif, qui réunit plusieurs dizaines de femmes* à chacune de nos séances, n’est pas de tout repos. Chaque rencontre est le théâtre de débats, parfois animés, de belles rencontres, de prises de positions et d’engagements nombreux. Les fruits de ces échanges? Un manifeste de 19 points exposant les raisons de notre colère, nos propositions et notre détermination à changer cette société dans laquelle nous sommes encore opprimées; des conférences sur la violence envers les femmes* ou le travail féminisé, des tables rondes sur la grève, des prises de positions à la radio ou dans les journaux, des distributions de tracts et des stands dans les rues, des rencontres dans des maisons de quartier ou dans un bistrot, des manifestations, comme pour le 8 mars, lors de la journée internationale des droits des femmes. Ce travail de longue haleine, teinté de nos sensibilités et intérêts propres, a évidemment suscité des discussions animées au sein de ce collectif si hétéroclite, mais a surtout permis de mettre ensemble nos énergies pour avancer ensemble vers l’organisation de cette grève féministe.

Désormais, trop nombreuses pour les chaises disponibles dans la salle où nous nous réunissons chaque mois, nous poursuivons notre chemin vers la grève du 14 juin: des collectifs de femmes* se multiplient sur de nombreux lieux de travail et d’études, mais également au sein de nombreux quartiers et villes vaudoises. Grâce à ce travail de proximité, notre collectif atteint désormais des femmes* qui ne s’étaient jamais engagées auparavant, mais qui se reconnaissent aujourd’hui dans les revendications qui nous poussent toutes ensemble à la grève.

Sur le Canton de Vaud, des femmes*, de Renens à Chailly, de Lausanne à Nyon en passant par la Vallée-de-Joux, de l’université de Lausanne à l’Ecole d’infirmière, brandissent fièrement les accessoires et les sacs que nous avons confectionnés. L’année 2019 sera féministe. Le vent du changement souffle. Nous le savons, car désormais, il n’est plus rare de croiser le regard d’une parfaite inconnue, dans un train ou un bus, portant un badge ou un sticker de notre mouvement sur son sac ou son téléphone portable. A ce moment, un sourire s’échange, un lien se crée. Désormais, nous ne reculerons plus, nous marcherons fièrement main dans la main avec nos différences et nos similitudes jusqu’à la grève et jusqu’à l’obtention de l’égalité à laquelle nous avons droit!

* vaud.grevefeministe@gmail.com

**En Romandie comme dans le reste de la Suisse, divers collectifs de femmes se sont constitués pour organiser la grève du 14 juin. Retrouvez les échos de ces préparatifs en page Regards jusqu’en juin. Prochain rendez-vous le 21 mars.

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