Chroniques

Cuisantes amitiés antisémites

AU PIED DU MUR

Qui va dormir avec des chiens ne peut se plaindre d’avoir des puces… Le groupe de Visegrád (V4) regroupe les quatre Etats les plus réactionnaires d’Europe: la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie. Racisme, lutte contre les migrants, répression de la presse indépendante et de l’opposition et libéralisme économique débridé sont leurs dénominateurs communs. Ces quatre Etats coordonnent leurs politiques économiques et constituent un groupe de pression réactionnaire au sein de l’Union européenne.

Comme dans le roman d’Alexandre Dumas où les trois mousquetaires sont en fait quatre, les quatre de Visegrád sont en réalité cinq: le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, attiré comme toujours par des souffles nauséabonds, s’est depuis longtemps joint à eux. Au point d’inviter la prochaine conférence de Visegrád à Jérusalem.

L’antisémitisme plus ou moins déclaré de ses amis ne l’a jamais dérangé. Pour sceller son alliance avec ces régimes, il n’a eu aucun problème à «oublier» l’admiration du premier ministre hongrois, Viktor Orbán, pour le dictateur pronazi Horthy et il n’a pas hésité non plus à signer un document dans lequel il dédouanait la Pologne pour sa collaboration avec les nazis, provoquant l’ire de Yad Vashem, le mémorial de la Shoah.

Mais aujourd’hui nous sommes en période électorale, et Netanyahou ne pouvait cette fois prêter le flanc à des attaques sur une éventuelle tolérance face à l’antisémitisme. Il a donc brièvement exprimé des réserves sur la loi adoptée par la Diète polonaise qui criminalise toute déclaration évoquant une collaboration entre la Pologne et les nazis. Moins délicat que le premier ministre (ou, peut-être, moins hypocrite), le tout nouveau ministre des Affaires étrangères, Israel Katz, n’a pas fait dans la dentelle en déclarant dans un interview à i24News: «Nous n’oublierons pas et ne pardonnerons jamais. De nombreux Polonais ont collaboré avec les nazis. Yitzhak Shamir [ancien premier ministre] avait déclaré que ‘les Polonais tètent l’antisémitisme avec le lait de leur mère’. Personne ne nous dira comment honorer la mémoire des victimes.»

A la suite de cette déclaration, le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a annoncé que son homologue aux Affaires étrangères ne viendrait pas en Israël si le gouvernement israélien ne réagissait pas fermement aux propos «racistes et inacceptables» de Katz. Quant à l’ambassadeur de Pologne, il a déclaré: «Il est surprenant que le nouveau ministre israélien des Affaires étrangères cite une remarque humiliante [de Yitshak Shamir]. C’est totalement inadmissible.» L’ambassadrice d’Israël à Varsovie a été convoquée par le Ministère polonais des affaires étrangères pour se faire tirer les oreilles. Netanyahou a, quant à lui, dû faire une déclaration humiliante dans laquelle il prenait clairement ses distances avec Katz.

Entre, d’une part, ses amitiés douteuses et les compromissions qu’elles impliquent et, de l’autre, la campagne des législatives et son électorat à satisfaire, Netanyahou essaie de manœuvrer – avec un talent qu’on ne peut lui nier. Même si pour cela, il a été obligé de se gratter publiquement pour faire tomber les puces que ses amitiés douteuses lui ont collées à la peau.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

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lundi 8 janvier 2018

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