Édito

Trump sacre le sultan

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Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan ont assisté aux célébrations du centenaire de l'armistice le 11 novembre dernier à Paris. KEYSTONE
Syrie

Le retrait de l’armée étasunienne marque-t-il le début de la fin du conflit syrien? Il représente en tout cas une étape décisive pour le nord de la Syrie, qui vivait depuis le début des hostilités dans une relative autonomie. Le rêve du Rojava – un Kurdistan syrien libre, laïc et démocratique – pourrait rapidement s’évanouir sous les coups de boutoirs conjoints de la Turquie voisine et de Damas.

Dans la plus pure tradition de l’histoire kurde, le Parti de l’union démocratique (PYD) – pilier des Forces démocrates syriennes (FDS) qui luttaient contre le groupe Etat islamique avec le soutien des Etats-Unis – fait les frais d’un retournement stratégique occidental. Après des mois de tensions avec Ankara, les Etats-Unis semblent finalement prêts à concéder à la Turquie cette place de grande puissance régionale réclamée par le «sultan» islamo-nationaliste, Recep Tayyip Erdogan. Face aux succès russes et iraniens en Syrie, bien qu’incommode, la Turquie, membre de l’OTAN, offre des moyens d’influence sur la région autrement plus solides que la fragile faction kurde et ses alliés du Conseil démocratique syrien (CDS). Tout juste peut-on espérer qu’avant de lâcher Kurdes, Syriaques et tribus arabes, Donald Trump n’ait exigé des Turcs une certaine retenue face à ses ex-alliés. Histoire au moins, à défaut de reconnaissance, de ne pas insulter l’avenir.

Pour l’omnipotent président turc, la joie de l’affaiblissement de l’ennemi kurde – dont la minorité présente en Turquie réclame aussi l’autonomie – se double d’une forme de consécration géopolitique. Loin de s’agenouiller devant les dures sanctions économiques étasuniennes, M. Erdogan est parvenu à mettre en difficulté Washington en faisant mine de se rapprocher de Moscou pour conquérir Afrin, puis en déstabilisant l’Arabie saoudite avec l’affaire Khashoggi. Au point que l’extradition par les Etats-Unis de l’opposant turc Fethullah Gülen, organisateur présumé du putsch manqué de juillet 2016, est à nouveau envisagée.

A côté des Kurdes de Syrie, on peut craindre que l’autre grande perdante du deal entre Erdogan et Trump ne soit tout simplement la démocratie turque.

Opinions International Édito Benito Perez Syrie

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