Édito

Syrie: les morts sur la conscience

Syrie: les morts sur la conscience
A Raqqa, les survivants se se retrouvent en manque de tout et se sentent abandonnés. KEYSTONE
Syrie

On a beaucoup parlé d’Alep, bombardée par les forces russes et syriennes et où des cibles civiles comme les hôpitaux étaient délibérément prises pour cible. Mais il y a aussi eu Raqqa, où la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis (avec la France et la Grande-Bretagne) a mené une terrible «guerre d’anéantissement» de juin à octobre 2017 au nom de la lutte contre Daech. Une enquête d’Amnesty International pointe de lourdes responsabilités: des milliers de blessés et des centaines de morts auraient dû être évités. Tandis que les diplomates dissertaient sur la situation, la coalition a participé au calvaire de la population syrienne, massacrée, réduite à vivre dans des décombres ou jetée sur les chemins de l’exil.

Le rapport est accablant. L’armée a utilisé des armes inappropriées – mortiers très imprécis en milieu urbain –, sachant d’innombrables civils pris au piège dans la ville, entre les raids aériens et les balles et explosifs de l’EI. Pire, elle a continué de pilonner Raqqa alors «qu’un accord offrant l’impunité aux combattants de l’Etat islamique était en cours de négociation». Les Etats-Unis se sont pour leur part vantés d’avoir tiré «plus d’obus à Raqqa en cinq mois que ne l’a fait tout bataillon de la marine ou de l’armée depuis la guerre au Vietnam».

Enfin, les survivants se sont retrouvés en manque de tout, déplorant que l’armée soit partie sans même aider à déblayer les décombres, récupérer les corps, déminer les rues… Ce qui est dénoncé par Amnesty peut être qualifié de crimes de guerre. La coalition reconnaît avoir tué 892 personnes «par erreur» en Syrie depuis 2014. L’ONG britannique Airwars en dénombre entre 3500 et 5300. Des «bavures» déjà observées sur d’autres terrains au Proche-Orient, qui renvoient les grands discours sur la démocratie à leurs incohérences et qu’aucune lutte contre le terrorisme ne saurait justifier. Ces morts appellent à des enquêtes officielles pour que comparaissent en justice les responsables de ces massacres.

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