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Le Brésil au bord du précipice

Le Brésil au bord du précipice
Manifestation en faveur du candidat Jair Bolsonaro, dont l'effigie décore un ballon. Ce nostalgique de la dictature est favori du scrutin depuis l'éviction de Lula. KEYSTONE
Brésil

L’entreprise de destruction de la fragile démocratie brésilienne progresse inexorablement. A la veille du premier tour de la présidentielle, Lula, le favori du peuple, est interdit de scrutin, faisant d’un nostalgique de la dictature le favori du vote. Jair Bolsonaro, raciste, homophobe, misogyne, défenseur de la torture et de la peine de mort, est au seuil du pouvoir sous les vivats de la bourse et des lobbies patronaux. Sans doute le signe de la grande modernité de la mondialisation capitaliste.

Déchaînée dès 2014 contre la présidente Dilma Rousseff, la campagne populiste et revancharde de l’establishment a donné de tels résultats qu’elle en a emporté ses propres enfants. Les candidats des partis traditionnels de centre-droit – Mouvement démocratique brésilien (MDB, ex-PMDB) et Parti de la social-démocratie (PSDB) – sont largués et s’apprêtent à s’aligner sur M. Bolsonaro au second tour.

Ils auraient tort de faire la fine bouche: affublé d’un conseiller économique ultralibéral (Paulo Guedes), l’ancien militaire paraît déterminé à poursuivre l’ajustement structurel et les privatisations menés depuis 2016 par Michel Temer. C’est bien l’essentiel. Et franchement, le MBD et le PSDB seraient malvenus de s’inquiéter face aux penchants autoritaires de Jair Bolsonaro, eux qui viennent de gouverner durant deux ans grâce à un coup d’Etat parlementaire.

Face à ce rouleau compresseur, le Parti des travailleurs (PT) résiste comme il peut. Le mouvement de gauche a de quoi se sentir floué par cette justice à deux vitesses qui protège le président de facto Temer, pris en flagrant délit de corruption, alors qu’elle condamne Lula sans preuve matérielle, sur la base d’un témoignage intéressé. Puis le prive d’élection et le muselle sous prétexte d’une condamnation encore susceptible de recours.

Reste que le PT paie aussi l’incapacité de ses gouvernements passés à réformer les institutions et à transformer l’économie, lorsque la conjoncture s’y prêtait. Face au pouvoir antidémocratique de l’argent, l’absence d’ambition n’est pas signe de réalisme mais son exact contraire. Car un jour celui-ci finit par vouloir sa revanche.

Lula semble aujourd’hui l’avoir compris, et face à l’offensive de la droite, il s’est rapproché des mouvements sociaux. Son candidat, Fernando Haddad, mène une campagne résolue et, pour l’instant, profilée à gauche. Jamais trop tard pour bien faire? La vigueur des mobilisations, dont celle des femmes, sera décisive, à l’heure de susciter un sursaut citoyen.

International Benito Perez Brésil

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