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Pour des ponts publics

Pour des ponts publics
Le pont Morandi, à Gênes. KEYSTONE
Italie

Dix jours après l’effondrement du pont Morandi, à Gênes, qui a fait 43 morts, de nombreuses questions restent ouvertes quant aux raisons du drame. Il reviendra à la justice italienne d’établir les responsabilités de chacun: concepteur, concessionnaire, pouvoirs publics… Dans l’intervalle, quelques éléments méritent d’ores et déjà d’être énoncés. Et une question de principe posée, celle de la renationalisation du réseau autoroutier.

Des ponts s’effondrent, des trains déraillent, des plafonds d’écoles s’écroulent. Chaque fois, nous pourrions citer Francesco Cozzi, le procureur de Gênes: «Il ne s’agit pas d’une fatalité, mais d’une erreur humaine.» Gangrenée par les problèmes de corruption, le clientélisme, la mafia, l’Italie a mal à ses infrastructures. Héritées des Trente Glorieuses, celles-ci ne correspondent plus aux normes, faute d’entretien et de budgets adéquats.

Et puis, il y a l’appât du gain. Derrière Autostrade per l’Italia, entreprise publique privatisée en 1999, concessionnaire de l’autoroute A10 et donc du viaduc Morandi, se trouve Atlantia. Détenue pour 30% par la famille Benetton, la société gère non seulement la moitié du réseau italien, mais aussi des milliers de kilomètres d’autoroute aux quatre coins du monde ainsi que des aéroports. Le groupe a engrangé 1,17 milliard d’euros de bénéfices en 2017.

Ce qui ne l’a pas empêché d’annoncer examiner les conséquences boursières des propos tenus par les responsables politiques à la suite de l’écroulement du pont. Ni de prévenir que la révocation de sa concession coûterait cher en indemnités à l’Etat. Des milliards d’euros, selon des médias italiens. Difficile de faire plus cynique.

Hier, Matteo Salvini, vice-président du Conseil italien et chef de file de la Ligue (extrême droite), s’est finalement prononcé contre la nationalisation du réseau autoroutier, réclamée par certains membres de la coalition gouvernementale. Mais quelle alternative?

La tentation est trop grande, pour une entreprise privée, de maximiser ses profits, quitte à rogner sur les investissements nécessaires, et ce aux dépens de l’intérêt général, de la sécurité et du service public rendu à la collectivité. Le politique doit reprendre la main, comme il a commencé à le faire en Grande-Bretagne après plus de vingt ans d’une privatisation catastrophique des chemins de fer.

Opinions Christiane Pasteur Italie Privatisation

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