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Les couleurs en politique

Les couleurs en politique
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Dans la plupart des magazines, le noir-blanc et/ou un ombrage accentué servent à faire souligner le caractère d’une figure masculine. La couverture de Swissquote datée de 2012 constitue à ce jour une exception: Doris Leuthard se tient de face et bien droite et, surtout, l’image est en noir-blanc. A l’intérieur, plusieurs femmes influentes de pays différents, actives dans le monde des affaires et de la politique, sont présentées avec des aplats de couleurs.

Les couleurs en politique 1

Dans L’Illustré d’août 2017, Pierre Maudet – de même qu’Ignazio Cassis et Isabelle Moret – apparaît en couleurs, mais les ombres sont renforcées, ce qui souligne le grain de peau et accentue chaque marque. Le candidat au Conseil fédéral y paraît plus âgé que sur les affiches de la campagne précédente pour l’élection des conseillers d’Etat genevois où le visage était plus éclairé et lisse.

Il y a une quinzaine d’années, Sylvie Dürrer, Nicole Jufer et Stéphanie Pahud, de l’université de Lausanne, avaient analysé le sexisme dans les médias romands. Les journalistes hommes prédominaient dans la branche. Les femmes y étaient souvent citées uniquement par leur prénom et leur apparence faisait fréquemment l’objet de commentaires. Au niveau des illustrations, des femmes en pleurs ou désespérées étaient légion pour accompagner les reportages sur les guerres et les catastrophes naturelles. Lorsque Micheline Calmy-Rey était présidente de la Confédération, elle s’est exprimée sur l’accent mis sur ses tenues vestimentaires1>Micheline Calmy-Rey sur imagesetsociete.org/activites/regards-invites/, ce qui, à son avis, faisait passer ses actions au second plan.

En 2000, un matériel didactique des télévisions européennes2>Screening Gender, http://vintti.yle.fi/yle.fi/gender/ attirait l’attention des professionnel-le-s sur les multiples façons implicitement sexistes de filmer et d’interroger. De fait, les femmes étaient régulièrement interrogées sur leur famille, au détriment de leurs actions politiques. Elles étaient souvent filmées en plongée, ce qui donne une perspective d’adulte sur son enfant. Ces tendances perdurent, malgré tout ce que l’on sait en théorie.

Des informations sur la vie privée des hommes politiques apparaissent parfois. Les politiciennes apprennent à se profiler. Malgré tout, sur les photographies, les politiciennes apparaissent plus souvent avec le visage légèrement penché, tandis que les hommes posent plus droit. Il s’agit bien sûr aussi d’un résultat de nos différences d’éducation et il est possible de faire passer des idées fortes avec un sourire comme avec une expression sérieuse.

Les couleurs, comme le noir-blanc, parlent un langage qui influe sur nos perceptions. De plus, «quand on veut passionner les foules, il faut avant tout parler à leurs yeux»3>Le poids des apparences, Jean-François Amadieu, 2002., disait Lincoln en citant Napoléon. John Antonakis de l’Unil4>«Deviner le résultat des élections, un jeu d’enfants», Science, J. Antonakis, U. Hoffrage, 2009, www.youtube.com/watch?v=1Xb8GpAIksY&feature=relmfu&noredirect=1 a mené en Suisse une étude qui démontre que des enfants comme des adultes, sans connaissance des candidats, devinent en général qui a remporté une élection, lorsque deux hommes ou deux femmes sont proposé-e-s à choix. Les choses se corsent quand plusieurs candidat-e-s femmes et hommes sont en lice. Le test ne dit rien non plus sur les duos multiethniques. Lors de prochaines élections, libre à vous de vous lancer dans les prévisions de cette manière visuelle et intuitive, histoire d’explorer ce qui semble influer sur vos penchants, au-delà des considérations idéologiques.

Cette chronique clôt notre série estivale «décod’image».

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Médiatrice socioculturelle et responsable de projets à la fondation images et société, www.imagesetsociete.org

Opinions Chroniques Eva Saro

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mardi 3 juillet 2018

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