Édito

De battre le cœur s’est arrêté

De battre le cœur s’est arrêté
La tentative de médiation du Conseil d'Etat vaudois n'y aura rien changé: samedi 21 juillet est paru le dernier numéro du quotidien romand. KEYSTONE
Tamedia

Depuis lundi, le public romand trouve donc un journal de moins sur les comptoirs des bistrots. Le Matin, propriété du groupe Tamedia, ne diffuse plus que des nouvelles en ligne. Une décision qui implique trente-six licenciements. La tentative de médiation par le Conseil d’Etat vaudois n’y aura rien changé.

Le ton des communiqués respectifs – du groupe, de la partie syndicale et des autorités – laisse entrevoir le fossé qui sépare les esprits comptables, les yeux rivés aux dividendes, d’un côté et les journalistes de l’autre, qui n’auraient demandé qu’à faire leur travail et se trouvent aujourd’hui lessivés par ce énième plan de restructuration. Au milieu, le Conseil d’Etat qui se voyait en arbitre semblait découvrir, jeudi, à qui il avait affaire, témoignant de son «incompréhension et de [sa] consternation face à cette décision abrupte et unilatérale qui rompt avec la volonté d’apaisement manifestée au début du processus». Ou quand un exécutif découvre les techniques managériales qui ont cours depuis plus de dix ans au sein d’un groupe médiatique. Ce qui laisse craindre le pire pour la suite, confirmant que l’urgence de la situation est sous-évaluée. Comment expliquer autrement qu’une séance de conciliation aurait dû avoir lieu en août, soit après l’abandon officiel de la version papier, en plein cœur de la torpeur estivale? Qu’est-ce qui peut bien être négocié à part de tristes miettes lorsqu’on intervient après le démantèlement d’un outil de travail?

Comme il est difficile de faire redémarrer un cœur après un arrêt trop prolongé, on imagine mal relancer la fine mécanique d’un quotidien après que sa mort ait été prononcée et ses organes transplantés. On pense aux partenariats historiques du quotidien orange, en cours de répartition pour les titres survivants du groupe. Ou à ses ressources publicitaires, y compris les annonces érotiques.

Lorsque les rédactions romandes de Tamedia (Le Matin, Le Matin Dimanche, 24 Heures et la Tribune de Genève) ont lancé une mobilisation historique au début du mois – deux jours et demi de grève malgré les menaces de licenciement immédiat de la part de l’éditeur -, ce n’était pas pour mendier des miettes. Mais pour que le travail des journalistes, substantifique moelle des rédactions, soit enfin pris au sérieux. C’est leur production et leur apport essentiel à la vie démocratique qu’il faut remettre au centre des réflexions et soutenir, par un réseau de rédactions fortes et aussi indépendantes que possible des pouvoirs financiers et politiques.

Opinions Édito Laura Drompt Tamedia

Connexion