Édito

Tsunami blochérien

Tsunami blochérien
Christoph Blocher rachète de nombreux journaux, dont le GHI et Lausanne Cités. KEYSTONE
diversité médiatique

Le processus de concentration dans la presse va de l’avant, avec l’annonce ce mercredi d’une reprise de la Basler Zeitung – actuellement en main de Christoph Blocher – par Tamedia. En échange, le tribun udéciste met la main sur le gratuit zurichois Tagblatt der Stadt Zurich, propriété du groupe de presse, ainsi que sur deux gratuits alémaniques. En Suisse romande, les tout-ménages GHI et Lausanne Cités, à 50% détenus par Tamedia, pourraient eux-aussi tomber dans l’escarcelle de l’ex-conseiller fédéral.

Deux obstacles peuvent encore prétériter l’opération. Premièrement, la Commission de la concurrence (Comco) doit donner son feu vert. Le fera-t-elle, alors que Tamedia contrôle déjà 68% des quotidiens alémaniques et 40% de ceux de Suisse romande? Sans oublier que le groupe pratique une politique de la terre brûlée en concentrant ses rédactions dans des newsrooms uniques –l’une à Zurich, l’autre à Lausanne– au détriment de la pluralité de l’information. Un certain pessimisme est de mise. Jusqu’à présent, la Comco n’a pas fait de la question de la pluralité des médias une priorité.

Deuxième incertitude: pour les deux gratuits romands, Tamedia n’est actionnaire qu’à 50%. Or, l’actuel partenaire, Jean-Marie Fleury, dispose d’un droit de préemption, comme il l’a opportunément relevé mercredi. En fera-t-il usage autrement que pour faire monter les enchères?

Dans tous les cas, le sort des deux gratuits lémaniques ne devrait pas bloquer l’opération. Le noyau dur de l’échange est bien la reprise par Blocher du tout-ménage zurichois. Celui-ci fait d’ailleurs aussi office d’organe de communication de la Ville – un partenariat évalué à 800 000 francs –, ce qui pose aussi la délicate question de l’aide publique à la presse au bénéfice d’un multimilliardaire.

Globalement, le but de l’ex-conseiller fédéral UDC consiste à se doter d’un réseau de titres servant de force de frappe idéologique. En termes industriels, la masse critique ainsi atteinte lui permettra aussi de mettre sur pied un réseau de portage à même de diffuser les publications de sa formation.

Du coup, les Romands risquent bien de devoir s’habituer à la propagande servie à un rythme soutenu par le parti d’extrême droite qu’il affourage. A Zurich, les Verts ont déjà proposé un autocollant à poser sur sa boîte aux lettres aux plus rétifs à cette pollution idéologique. Mais cela risque de ne pas suffire à bloquer le raz-de-marée blochérien qui s’annonce.

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