Édito

Les médias, ça eu payé?

Les médias, ça eu payé?
Le personnel de l’Agence télégraphique suisse (ats) se mobilise contre l'intransigeance de sa direction. KEYSTONE PETER KLAUNZER
Crise des médias

La presse va mal. Enfin, façon de parler. Le groupe Tamedia a publié mardi ses comptes 2017. La même entité qui fait souffler un train d’austérité sur ses titres a vu l’an passé son bénéfice net grimper de 39,1% à 170 millions de francs!

Une bonne nouvelle pour les actionnaires. Ceux-ci verront leur part progresser de 40% par rapport à l’année précédente. Ils se partageront le pactole. Par contre, les journalistes ont du souci à se faire. Le compte rendu financier du groupe qui les emploie leur annonce de nouveaux jours difficiles, après la purge qu’ils viennent de subir et le regroupement de leurs activités dans des «newsrooms» centralisées situées à Lausanne et à Zurich. Pour le directeur de Tamedia, vu la réorganisation-fusion qui a été menée, les journaux de son groupe comptent désormais «trop de personnel». Et des nouveaux licenciements sont dans l’air.

On l’a compris, la question de la qualité des médias, de la diversité des opinions et du rôle de la presse dans le débat démocratique ne pèsent guère face à la froide réalité des chiffres. Le but est de faire des bénéfices sonnants et trébuchants. Et rien d’autre.

Gardons cet élément en tête. Sur le court terme, dans le cadre du conflit social qui mobilise le personnel de l’Agence télégraphique suisse (ats). Tamedia est le plus gros actionnaire de ce groupe (avec 30% des parts). Sa responsabilité dans l’intransigeance de la direction de l’ats à discuter d’un plan social digne de ce nom pour les journalistes âgés de plus de 60 ans qui ont été virés comme des gueux est manifeste.

Ceci alors que des réserves existent (environ 20 millions, mais il est prévu de les distribuer aux actionnaires). A l’heure où de plus en plus de voix se font entendre dans le monde politique pour prévoir un soutien public à ce vecteur de cohésion nationale, ce jusqu’au-boutisme capitaliste en dit long sur l’avidité de ces acteurs médiatiques.

Au-delà du cas de l’ats, la question d’une aide aux médias est revenue sur le tapis dans le cadre du débat qui a été mené à l’occasion de l’initiative No Billag. Si un tel mécanisme est mis en place, il faudra que le monde politique veille au grain pour éviter que les grippe-sous aux manettes de ces pompes à fric ne confisquent la mise.

Pour l’heure, le monde politique suisse n’a pas fait montre d’une grande compétence dans le domaine de l’économie des médias. Il serait urgent que cela change pour éviter une opération de prédation financière qui se ferait au détriment des conditions-cadre d’un débat démocratique. Cela suppose une révolution idéologique copernicienne du monde politique. En est-il capable? La plus grande vigilance doit être de mise.

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