Journalistes à la criée
Et saigne la presse. Dans la foulée des licenciements massifs – déjà 25 prononcés pour une équipe de 150 journalistes –, de nombreux collaborateurs de l’ATS ont annoncé leur démission. L’hémorragie aura des conséquences sur la qualité ou la quantité des nouvelles traitées, alertent l’équipe et la rédaction en chef. Que nenni! rétorque le conseil d’administration, pour qui il est hors de question de (ré-)embaucher. D’ici à 2020, la restructuration prévoit la suppression d’un poste sur quatre.
«23 ans à l’ATS, c’est ma vie! Et je sais mieux ce qui est bon pour elle qu’un expert comptable même s’il gagne 4x plus que moi!!…», clamait il y a quelques semaines une feuille A4 scotchée dans les couloirs de l’agence. L’ambiance interne délétère reflète l’absence de perspective pour la rédaction. Une vision qui, au-delà des calculs de rentabilité, tienne compte de la mission de service public remplie quotidiennement par les salariés. Pendant ce temps, du côté du géant Ringier, on annonçait mercredi une «amélioration de la rentabilité», malgré des revenus en baisse dans les médias imprimés. Cela grâce à des «décisions ardues et douloureuses», à savoir la disparition de L’Hebdo, la fermeture d’une imprimerie et des charrettes de licenciements. Le groupe dégraisse en Romandie, mais se félicite de ses succès aux quatre coins du monde: Afrique, Asie, Europe de l’Est…
En cette période de concentration des médias, il est dangereux de laisser croire que l’avenir de la branche passe par les licenciements de masse. Il dépend plutôt de nouveaux modèles économiques, plus vertueux, tournés vers les citoyens et citoyennes avant les annonceurs. Tout système démocratique a besoin de rédactions solides, aux voix diversifiées, pour assurer son bon fonctionnement. De quoi justifier un vrai soutien à la presse, car le droit fondamental à l’information en dépend. L’enjeu de médias libres, indépendants et de qualité est trop important pour être cédé à l’appétit des grands groupes, prêts à tout pour accumuler leurs millions de bénéfices. S’opposer à la marchandisation de l’information et rechercher l’équilibre financier plutôt que les profits maximaux est plus nécessaire que jamais.