Chroniques

CRS versus CRS

Chronique de résistance

En décembre dernier, j’écrivais dans ces colonnes un papier qui traitait des traces d’espoir qu’il nous faut repérer autour de nous et célébrer. Ce début d’année en donne à foison, mais je ne vais en citer que trois qui m’apparaissent comme de bonnes illustrations du titre général de cette chronique mensuelle.

La première est bien sûr l’abandon le 17 janvier par le gouvernement français, tout réactionnaire et néolibéral qu’il est, du projet démentiel de la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes en Loire atlantique. Cette victoire après des décennies de lutte va se fêter le 10 février prochain dans une manifestation festive sur les terres de la ZAD. Bien sûr, tout n’est pas réglé, et gagné, quant à «l’après» mais l’imagination et les pratiques collectives bien rodées donnent de bonnes garanties que rien ne sera plus comme avant sur ce «territoire libéré» des griffes du groupe Vinci (Cf. Politis du 25 janvier 2018).

La deuxième est l’inscription dans la durée d’une solidarité avec les réfugié-e-s et les immigré-e-s dans une vallée emblématique des Alpes, la Clarée, bien connue des randonneurs d’été et d’hiver. On a beaucoup parlé, avec raison, de l’action de solidarité menée dans la Vallée de la Roya, au-dessus de Nice, contre la traque des exilé-e-s par les forces de répression sur la frontière entre Vintimiglia et Menton et des noms comme ceux de Cédric Herrou ou de Pierre-Alain Manonni, citoyens «ordinaires» devenus des résistants non violents, sont maintenant connus largement au-delà des limites de l’Hexagone.

Pour la situation de la Clarée, le «tam-tam» militant n’avait pas encore résonné comme un cor des Alpes sur les alpages! Eh bien, maintenant, c’est fait. A tel point qu’une publication «grand public» vient de consacrer un très beau reportage à cette initiative tenace et courageuse de solidarité avec les damnés de la terre. En effet, Alpes Magazine, dans son édition en cours (février-mars 2018), a envoyé son réd-en-chef adjoint Philippe Bonhème et un photographe parcourir de long en large ce pays alpin du col de l’Echelle – qui relie Bardonecchia, le dernier bourg du Val di Susa en Italie, au village de Névache – à Briançon. Ils y ont rencontré des montagnards, guides de haute montagne, gardiens de refuge, éleveurs et même un capitaine de chasseurs-alpins à la retraite, qui, posément et à visage découvert, ont raconté ce qu’ils et elles font depuis le printemps 2016 en jouant à «cache-cache» avec les nombreux gendarmes mobiles envoyés en renfort des policiers aux frontières (PAF). Le nombre d’exilé-e-s augmentant, des travailleurs sociaux et des militant-e-s associatifs de Briançon ont restauré une ancienne caserne de CRS avec le soutien du maire de la ville, très engagé dans l’accueil et la défense des réfugié-e-s et des immigré-e-s. Ces facétieux montagnards ont ainsi créé le CRS… soit le Collectif Réfugiés Solidarité… Lisez ce numéro d’Alpes Magazine, il vous réjouira la tête, le cœur et le ventre!

Troisième trace d’espoir, la Marche citoyenne pour la dignité et la solidarité organisée par l’Auberge des migrants, une association très active à Calais. A l’instar de la marche Bainvegni Fugitivs qui a parcouru la Suisse au départ du Tessin le 14 octobre de l’an dernier, cette nouvelle marche va traverser toute la France en partant de Vintimiglia le 1er mai pour arriver le 8 juillet à Douvres. Le mot d’ordre de ce périple de 1473 km est «Laissez-les passer! Accueillons-les!». A chaque étape, des actions et des animations sont prévues avec l’appui des dizaines de collectifs, associations et syndicats engagés un peu partout aux côtés des exilé-e-s. «Parfois le réel désaltère l’espérance, c’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit!» disait René Char, un des poètes de la Résistance…

Bruno Clément est animateur en éducation populaire.

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