Traces d’espoir
Un paese di Calabria est un documentaire réalisé par Shu Aiello et Catherine Catella que j’ai eu le grand plaisir de voir il y a peu de temps. Le film montre comment l’arrivée de 200 réfugié-e-s kurdes a redonné la vie à un village de bord de mer en Calabre, Riace, il y a vingt ans de cela. Ce paese était, comme tant d’autres en Italie, vidé d’une grande part de sa population partie émigrer pour survivre dans les pays du nord, Suisse comprise. Il ne restait quasiment plus que les vieux et les enfants dans un environnement de maisons fermées et de champs d’oliviers laissés à l’abandon. Les habitants ont accueilli à bras ouverts ces exilé-e-s en perdition sur leurs bateaux pourris. Le maire et le curé, assez «rouges» tous les deux, il faut le dire, ont apporté un soutien concret pour que les réfugié-e-s bénéficient d’une hospitalité simple, mais digne.
Après les Kurdes, d’autres femmes, hommes et enfants sont venus sur de mêmes bateaux pourris d’Afrique et d’Asie. Si une partie a choisi de reprendre la route après un moment passé à Riace, d’autres ont décidé de rester dans ce village, par ailleurs résistant à la mainmise de la mafia calabraise sur la vie des gens et des territoires. C’est ainsi que des maisons ont été restaurées, que des commerces ont rouvert, tout comme l’école d’ailleurs, et c’est une belle séquence du film de voir cette classe d’enfants et d’adolescent-e-s aux multiples couleurs de peau apprendre l’italien et raconter d’où ils et elles viennent sous l’égide d’une enseignante bienveillante et engagée. Aujourd’hui, Riace est passé en vingt ans de 900 à 2100 habitants et le maire, réélu à plusieurs reprises, a lancé le projet «Cité du futur» pour mieux organiser encore l’accueil des damnés de la terre et le développement équilibré de ce bout de Péninsule. Si le film passe près de chez vous, courez-y, vous en sortirez le sourire au visage, les yeux mouillés et les mains ouvertes à celles et ceux qui viennent d’ailleurs, mais constituent notre humanité commune!
Les temps que nous vivons sont tout sauf généreux et solidaires, que ce soit pour les gens de là-bas comme pour ceux d’ici. Partout, c’est le triomphe du fric et des dominants contre les précaires et les fragiles, de l’arbitraire contre la liberté et la justice sociale, du mépris contre la dignité. Il y a de quoi désespérer, certes. Pour autant, le pire n’est jamais sûr et il faut savoir porter notre regard sur les dynamismes à l’œuvre: il y a bien des Riace dans tous les domaines. De la résistance des collectifs de la vallée de la Roya dans les Alpes maritimes en soutien aux réfugié-e-s et immigré-e-s à la Marche pour les droits et la dignité humaine (Bainvegni Fugitivs) qui parcourt la Suisse à pied depuis le 14 octobre au départ du Tessin; du blocage de la mine de lignite de Hambach en Allemagne par l’action de Ende Gelände aux multiples initiatives prises par le réseau Alternatiba; du cri des femmes d’un peu partout contre les violences sexistes et sexuelles via #MeToo aux innombrables luttes syndicales dans des centaines d’entreprises sur les cinq continents; des milliers d’initiatives pour une agriculture paysanne aux divers combats «zadistes» contre les projets inutiles à l’instar de Notre-Dame-des-Landes, ce sont bel et bien des traces d’espoir qui jalonnent nos chemins.
En cette période de l’Avent qui commence et annonce ce qui va advenir dans la symbolique de la venue d’un homme porteur d’un message de libération de tout l’être et de tous les êtres, il nous faut repérer ces traces d’espoir, les clamer, les chanter et les danser. Je nous souhaite à toutes et tous des yeux clairs pour voir ce qui est en route et une capacité renouvelée à fêter un noël de sobriété heureuse!