Chroniques

Des violences négligées

Sans voix, ni droits

Nurah* a 26 ans. Elle vivait à Addis-Abeba, en Ethiopie, où elle avait fait des études commerciales et travaillait comme indépendante dans le commerce. En 2016, elle est arrêtée lors d’une manifestation, emprisonnée et violée. Sa vie bascule. Impossible de retourner dans sa famille après ce qu’elle vient de vivre. Elle décide de fuir en Suisse, terre d’asile et pays des droits de l’Homme pour elle.
Elle cherche et trouve un passeur qui lui procure un visa et un billet d’avion contre une forte somme d’argent (presque toutes ses économies). L’avion atterrit à Lyon. Nurah insiste: c’est en Suisse qu’elle veut se rendre.

Le passeur la séquestre pendant trois semaines dans une maison isolée où elle est forcée à travailler pour sa famille. Puis il l’emmène finalement à Vallorbe, où, meurtrie, Nurah dépose une demande d’asile. Décision des autorités suisses: Nurah, arrivée en France, doit déposer sa demande en France. Nurah tombe en profonde dépression. Plutôt mourir que de repartir en France, ce pays entretemps devenu synonyme de viols et de violence.


Silvia a fui l’Ouganda en 2007 car son père voulait la faire exciser. Elle est orpheline de mère. De son vivant, elle la protégeait contre l’excision. Arrivée en Suisse, Silvia dépose une demande d’asile, mais ses motifs spécifiquement féminins de demande de protection ne sont pas retenus car ils ne sont pas considérés comme crédibles, et sa demande est refusée.
Son instabilité de séjour – elle a vécu près de dix ans dans un foyer regroupant plus de 700 requérants d’asile – la plonge dans un état de dépression et entretient ses stress post-traumatiques. En 2016, elle donne naissance à une fille. En situation irrégulière, le père est expulsé avant la naissance et Silvia se retrouve seule pour élever son enfant. Les parents n’ont pas pu rester en contact.
Entretemps, Silvia a été reconnue Tanzanienne, et non Ougandaise, par les autorités suisses. Après plusieurs recours contre le refus de sa demande d’asile, Silvia a reçu une décision définitivement négative à sa demande. Avec sa fille âgée de deux ans, elle doit être expulsée sous peu vers la Tanzanie, un pays dont elle ignore tout. Tant en Tanzanie qu’en Ouganda, la mère et la fille risquent d’être exposées à l’excision, cette même menace qui a poussé Silvia à quitter son pays auparavant. Actuellement, le Tribunal fédéral étudie une ultime fois son dossier et doit se prononcer sur le fond, mais les espoirs sont terriblement minces.

APPEL D’ELLES EN CAMPAGNE

Le 8 mars prochain, le collectif Appel d’elles ira remettre au Conseil fédéral une requête pour la protection des femmes et des enfants qui demandent l’asile en Suisse. Jusqu’à cette date, vous pouvez signer l’appel sur le site www.appeldelles.ch

Le système actuel fait que les violences subies par les femmes ne sont pas prises en compte par les mécanismes de l’asile. Leurs droits élémentaires sont bafoués parce qu’on refuse de les entendre. Pour faire connaitre les situations de ces femmes, quelques-uns de leurs témoignages seront publiés en page Regards jusqu’au 8 mars. Nous vous invitons à les relayer à travers l’action «carte postale» en ligne sur le site du collectif.

COLLECTIF APPEL D’ELLES, www.appeldelles.ch avec le soutien du Courrier.

* Prénoms fictifs.

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mardi 23 janvier 2018

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